Né à Paris en novembre 1955, Jacob Desvarieux passe ses dix premières années aux Antilles, entre Guadeloupe et Martinique, avant qu’un cyclone ne pousse sa mère qui l’élève seule à avoir recours aux services du Bumidom (Bureau des migrations d’outre-mer) pour venir en métropole comme employée de maison en banlieue parisienne. Le jeune garçon reçoit en cadeau à cette époque sa première guitare, offerte à la place du vélo qu’il avait demandé, jugé trop dangereux !

L’instrument, inutilisé, suit avec les bagages dans le bateau lorsque la famille déménage pour Dakar, au Sénégal, en 1966. Il ne descend pas du meuble sur lequel il est posé, sauf quand les voisins, musiciens – Adama Faye et son jeune frère Habib accompagneront Youssou N’Dour –, demandent à l’emprunter. Pour ne pas être en reste, Jacob finit par apprendre quelques rudiments par leur intermédiaire et se découvre une passion insoupçonnée, qu’il cultive après son retour en France en 1968.

A Marseille, au milieu de la décennie suivante, le jeune homme rejoint un groupe dont le répertoire d’abord constitué de reprises de rock (Jimi Hendrix, Cream, des Rolling Stones…) se métisse progressivement : les Haïtiens de Tabou Combo viennent de signer le premier tube caribéen en France avec New York City, et l’afrobeat nigérian de Fela a la cote.

Renommée Sweet Bananas, la formation à laquelle appartient Jacob pousse la porte des studios d’enregistrement pour Bilboa Dance, dont certains passages ont un évident parfum antillais. Mais c’est à l’écoute d’African Music du Trinidadien Bill-o-Men, passés par les Grammacks, qu’il renoue avec la musique de ses origines. Au même moment, il joue pour le Guinéen John Ozila, s’installe à Paris et y monte le Zulu Gang qui compte entre autres dans ses rangs les Camerounais Jean-Marie Ahanda, futur chanteur des Têtes brulées, et Jacques Mbida Douglas qui participera à l’aventure Kassav’.

Connexion camerounaise

Au Studio Johanna à Bagnolet, aux portes de la capitale, il s’occupe de la prise de son. Si l’époque, est riche en rencontres, elle l’est aussi sur le plan créatif : impliqué dans Kassav’, conçu à l’origine comme un laboratoire de recherche pour élaborer un style moderne propre aux Antilles et identifiable, le musicien multiplie les collaborations, notamment avec les artistes camerounais. « Il fait partie de la légion étrangère du makossa […] Il a participé à près de 90% des productions camerounaises, tous rythmes confondus”, écrit Jean-Maurice Noah dans son ouvrage Le Makossa, une musique africaine moderne paru en 2010.

Au cœur de la scène afro-funky-disco, il intervient aussi bien sur les projets du natif de Douala Pasteur Lappé, roi du sekele movement, que de la Tunisienne Chantal Curtis. Sous sa photo en médaillon imprimée au verso de la pochette du 33 tours Africa Gounyok de Jules Kamga enregistré à cette période, le texte ressemble à une annonce qui fait a posteriori sourire : « Jacob Desvarieux. Guitariste de studio. Guadeloupéen. 25 ans. Tel : 358.20.73 (Paris) ».

De plus en plus accaparé par Kassav’ au fil des années, impliqué dans les albums de chacun des membres comme des siens, l’auteur de Oh Madiana ou Sye Bwa s’est attaché à soutenir ceux qui ont suivi ses pas. À partir de 1988, il organise une manifestation baptisée Le Grand Méchant Zouk, dont la septième édition en 2017 a rendu hommage à Patrick Saint-Eloi, ancien chanteur du groupe et figure majeure du zouk. Il est aussi le producteur, et l’une des voix de Laisse parler les gens, l’un des tubes de l’année 2003 présent sur le projet Dis l’heure 2 zouk.

Investi plus largement dans la valorisation des artistes ultramarins (il avait parrainé la première édition de L’Outre-mer fait son Olympia en 2018), Jacob Desvarieux s’était élevé à de nombreuses reprises pour dénoncer la faible représentativité des communautés ultramarines et africaines dans les médias et au cinéma, ou encore à la cérémonie des Victoires de la Musique en 2020, après la suppression des catégories “musiques du monde” et “musiques urbaines”. Le père du zouk ne manquait jamais de rappeler que la genèse de cette musique très souvent réduite à son côté festif était concomitante des mouvements identitaires aux Antilles.
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By AGM News

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