Après la publication d’une étude sur un produit utilisé dans les dialyses, montrant une très forte surmortalité, révélé par «Le Monde», une réunion de crise s’est tenue ce mercredi à l’Agence du médicament.
Ambiance tendue pour une situation de crise. La réunion organisée mercredi matin à l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) sur les risques posés par un produit de dialyse au citrate s’est déroulée dans une atmosphère grave. Et pour cause : selon le quotidien Le Monde, qui a révélé l’histoire dans son édition du 5 décembre, ce sont «des centaines de personnes dialysées qui pourraient avoir perdu la vie prématurément» en raison d’un nouveau produit qui est utilisé de plus en plus fréquemment.
Tout démarre lors du congrès de néphrologie qui s’est tenu le 3 octobre dernier. Ce jour-là, une étude présentée par le docteur Lucile Mercadal (Inserm et hôpital de la Pitié-Salpêtrière) menée à partir des données du registre REIN géré par l’Agence de biomédecine a montré que 40 % des personnes traitées avec ce liquide de dialyse présenteraient une surmortalité par rapport à celles traitées avec d’autres produits. 20 % des 47 000 personnes souffrant d’insuffisance rénale traitées par dialyse en France sont traitées par un produit au citrate, introduit sur le marché en 2012. Or, sur cette proportion, 40 % présenteraient une surmortalité. C’est-à-dire autour de 4 000 personnes, ce qui est impressionnant. Certains relèveront qu’il s’agit d’une étude rétrospective qui peut donc comporter des biais. Il n’empêche, le signal d’alarme est fort. Et il a tardé à être tiré. Cette présentation lors de ce congrès n’a pas été publiée et, surtout, elle n’a pas été transmise à l’ANSM qui «s’est étonnée qu’aucun professionnel de santé n’ait songé à saisir l’agence». C’est l’association de malades, Renaloo qui l’a apprise fortuitement la semaine dernière et qui l’a aussitôt transmise à l’ANSM. «Cela nous paraissait évident de réagir au plus vite», nous raconte une responsable de l’association.
L’ANSM, ainsi saisie, a donc décidé aussitôt de convoquer ce mercredi «l’ensemble des parties prenantes» : professionnels de santé, industriels, sociétés savantes, Agence de biomédecine et associations. «La réunion a été essentielle, nous a raconté, Magali Leo, responsable du plaidoyer à Renaloo, mais la situation est grave. Nous avons écouté l’auteur de l’étude et ceux qui la critiquaient. L’Agence a vite réagi, mais pour autant bien des questions se posent. Pourquoi le laboratoire, Fresenius, n’a pas réagi alors qu’ils avaient eu des remontées ? Pourquoi les sociétés savantes n’ont-elles pas réagi ? Et l’Agence de la biomédecine ? Pourquoi les effets indésirables n’ont-ils pas été notifiés, alors que c’est obligatoire ?»
Pour l’heure, l’ANSM a décidé de ne pas suspendre le produit. Des études vont être conduites pour confirmer, ou non, ces données. «Il va falloir mettre en place un système d’information pour les patients, ces derniers ne sachant pas quel produit ou dispositif médical est utilisé dans leur dialyse», poursuit Magali Leo. Il a été demandé aux sociétés savantes d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques. «Cela prend du temps, mais l’urgence est de répondre aux patients. Il faut les prévenir, les aider, les accompagner. Mais on reste sidéré qu’il y ait aussi peu de réactions depuis deux mois alors que cette étude existait. Pourquoi ? Le laboratoire le savait. Pourquoi pas d’alerte ?» L’Agence se montre, elle aussi, très surprise.