Par Touré Vakaba

En plus de son caractère prestigieux, le pouvoir en Afrique reste un mystérieux luxe qui rendrait ivre n’importe qui. Le président ivoirien, lui qui avait prétendu passer la main à une nouvelle génération, l’en a appris à ses dépends. À la surprise de tous, Alassane Ouattara est revenu sur sa promesse de ne pas se représenter et semble étrangement déterminé à en découdre, dans un environnement politique malsain et déjà très agité.

Et pourtant !

…même s’il reste au centre des polémiques, l’article 183 de la constitution en vigueur se dresse en obstacle contre la manifestation de cette nouvelle candidature du président de la république sortant…qui avait pourtant indiqué à haute voix, et devant le corps diplomatique accrédité dans son pays, qu’il renonçait à un troisième mandat. La déclaration, on s’en souvient, avait arraché une vive ovation.
Alors que ni la France, encore moins les Etats-Unis, l’Union Européenne notamment, qui détestent à souhait l’exercice du « pouvoir à vie », ne verraient pas d’un bon œil cette roublardise d’Alassane Ouattara, les ivoiriens, dans leur grande majorité, se perdent en conjecture, s’interrogeant sur la raison obstinée d’un tel projet, perçu comme une « provocation à bien d’égard ».
Lundi 18 fevrier 2019, au fond d’une salle archi pleine à l’Ecole nationale d’administration (ENA), logée à Cocody, le secrétaire d’État américain en charge des affaires africaines, David Hale avait clairement affirmé la position de Washington, estimant que « ce n’est pas une bonne decision, dès lors que le president lui-meme l’avait affirmé en 2015 »
C’était à l’issue d’un séjour de 72 h passé à Abidjan.
La France, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Le Drian, avait longtemps, déjà formulé la même requête auprès de Ouattara. Des amis au président l’en ont tout le temps dissuadé. Paris, plutôt soucieux de la paix, de l’équilibre et de la cohésion dans ce pays fortement divisé par des palabres claniques, et en permanence menacé par les incursions djihadistes, avait d’ailleurs rejeté le mandat « d’arrêt international » qu’Alassane Ouattara avait émis contre Guillaume Soro, un « coriace adversaire », estimant selon une bonne source, qu’il serait « inopportun et improductif »…car en passe de conduire la Côte d’Ivoire dans une nouvelle spirale de violence à n’en point finir. L’ancien premier ministre en exile, jadis proche d’Alassane Ouattara, demeure vraisemblablement très populaire en Côte d’Ivoire. Il reste l’architecte de l’armée livonienne actuelle qu’il a réussi à formater à sa convenance. La France le sait et en reste consciente.

Seul contre tous !

Au lendemain de son accession au pouvoir, de nombreux ivoiriens découvraient un homme humble, timide, rigoureux et travailleurs. Très rapidement, cette conception de l’homme va commencer à s’effriter. Le premier à l’avoir lâché, reste l’éminent homme de droit ivoirien, Wodié Francis, alors président du conseil constitutionnel. Ce fut par la suite l’ancien premier Ministre, ancien gouverneur de la la banque centrale des états d’Afrique de l’ouest (BCEAO), alors président de la commission vérité et réconciliation, Charles Konan Banny, de s’eloigner du président. Guillaume Soro, chef d’orchestre de l’introduction au pouvoir d’Alassane Ouattara et ses camarades, refuse de se soumettre au « dictat » du patron et se retrouve en exile forcé à Paris.

La séparation qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salives, reste celle concédée avec l’emblématique opposant, Henri Konan Bédié (président de la republique entre 1993 et 1999)…et solide soutien du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), à l’occasion de son accession au pouvoir en Avril 2011.
Amon Tanoh Marcel, ami de longue date du président, prendra ses distances pour se déclarer plus tard, lui aussi candidat. Kablan Duncan Daniel, s’en ira après plus de trente ans de ferme collaboration avec Alassane Ouattara, Toikeusse Mabri, le chef de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI), claque la porte au chef de l’État sortant, affirmant avoir été « lésé ».

Alassane Ouattara, un curieux « légaliste »

« J’ai toujours pensé qu’il avait le sens de la justice et de l’équilibre…mais je crois que c’était mal connaitre le monsieur » martèle ce magistrat originaire du nord qui dénonce par ailleurs les retournements de veste constants d’Alassane Ouattara.
Au terme d’une crise électorale éprouvante, particulièrement meurtrière, ils sont nombreux ces ivoiriens qui reprochent au président et à son gouvernement de procéder en la caporalisation d’une justice qu’ils affirment être aux ordres. « C’est une justice des vainqueurs, qui n’a fait que jeter en prison, ses opposants, laissant en liberté d’autres dangereux criminels ».
Aussi, c’est étonné et stupéfait que le monde intellectuel a appris le retrait de la signature ivoirienne d’Alassane Ouattara, de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dont il a rejeté la délibération l’obligeant a renoncer à toutes poursuites contre Guillaume Soro et ses collaborateurs, qu’il devrait se résoudre à libérer et à ramener à domiciles.
Tous reprochent au président son « mépris, sa suffisance et son manque de considération ».
Le chef de l’État sortant n’a jamais expliqué l’échec de ses rapports d’avec ces illustres personnalités, même s’il s’est le plus souvent prêté à de petits commentaires…en l’occasion d’audiences publiques.

En claire, Alassane Ouattara, isolé, prend inéluctablement le risque de se lancer dans une aventure, qui présente d’innommables inconnus. Il devra notamment défendre un bilan sommes toutes controversé, qui n’a jamais pris en compte la justice, la gouvernance, et surtout la sérieuse question relative en la réconciliation des ivoiriens.

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