Monde | Macron s’inquiète de l’avenir de l’Otan et se rapproche de Moscou

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«Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan». Dans un entretien à The Economist, Emmanuel Macron dénonce le désengagement américain vis-à-vis de ses alliés de l’Otan et se prononce pour la défense de l’Europe et un dialogue stratégique avec la Russie, «sans naïveté aucune et qui prendra du temps.»

Emmanuel Macron, qui s’était prononcé l’année dernière en faveur de la création d’une armée européenne, a évoqué l’état de l’Alliance dans un entretien avec l’hebdomadaire The Economist publié ce 7 novembre.

«Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan», a constaté le chef d’État français.

Il a justifié ses propos par le désengagement américain vis-à-vis de ses alliés de l’Otan et du comportement de la Turquie, membre de l’Alliance.

Il faut «clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégique de l’Otan», a-t-il affirmé en plaidant à nouveau pour «muscler» l’Europe de la défense.

«Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination», a-t-il souligné. «Ce qui s’est passé est un énorme problème pour l’Otan.»

Dans ces conditions, le chef de l’État s’interroge en particulier sur l’avenir de l’article 5 du traité atlantique, qui prévoit une solidarité militaire entre membres de l’Alliance si l’un d’entre eux est attaqué.

«C’est quoi l’Article 5 demain? Si le régime de Bachar el-Assad décide de répliquer à la Turquie, est-ce que nous allons nous engager? C’est une vraie question. Nous nous sommes engagés pour lutter contre Daech*. Le paradoxe, c’est que la décision américaine et l’offensive turque dans les deux cas ont un même résultat: le sacrifice de nos partenaires sur le terrain qui se sont battus contre Daech*, les Forces Démocratiques Syriennes», estime M.Macron.

Cela rend pour lui d’autant plus «essentiel d’une part, l’Europe de la défense – une Europe qui doit se doter d’une autonomie stratégique et capacitaire sur le plan militaire. Et d’autre part, rouvrir un dialogue stratégique, sans naïveté aucune et qui prendra du temps, avec la Russie».

«Le Président Trump, j’ai beaucoup de respect pour cela, pose la question de l’Otan comme un projet commercial. Selon lui c’est un projet où les États-Unis assurent une forme d’ombrelle géopolitique, mais en contrepartie, il faut qu’il y ait une exclusivité commerciale, c’est un motif pour acheter américain. La France n’a pas signé pour ça», a-t-il averti.

Macron s’interroge sur le fonctionnement de l’Otan

Fin octobre, après par le retrait américain du nord-est de la Syrie, les responsables français ont dénoncé la perte de «crédibilité» des États-Unis et de l’Alliance atlantique. Le Président de la République et son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian n’ont pas caché leur «trouble» face à la décision de retrait de Donald Trump, qui a ouvert la voie à l’intervention turque contre les Kurdes syriens.

«J’ai compris qu’on était dans l’Otan. J’ai compris aussi que la Turquie et les États-Unis sont dans l’Otan. Et j’ai découvert par tweet que les États-Unis d’Amérique décidaient de retirer leurs troupes et de libérer la zone, comme tout le monde», s’est agacé Emmanuel Macron.À l’issue du dernier Conseil européen, le chef de l’État s’est également interrogé sur le fonctionnement de l’Alliance sur fond de l’offensive turque en Syrie.

«Je considère que ce qui s’est passé depuis plusieurs jours est une faute lourde de l’Occident et de l’Otan dans la région et cela affaiblit notre crédibilité pour trouver des partenaires sur le terrain qui se battront à nos côtés en pensant qu’ils sont protégés durablement, et ça interroge aussi le fonctionnement de l’Otan», a-t-il estimé.

*Organisation terroriste interdite en Russie