L’armée du Lesotho est rentrée, dimanche 19 avril, dans ses casernes, au lendemain de l’opération ordonnée par le premier ministre Thomas Thabane pour « restaurer l’ordre » face à ceux qui exigent sa démission, sous le regard inquiet de la communauté internationale.
Le petit royaume traverse une grave crise politique depuis la mise en cause en début d’année de M. Thabane, 80 ans, dans le meurtre de son ex-épouse en 2017. Soupçonné par la police et la justice d’en avoir ordonné l’assassinat, le chef du gouvernement s’accroche à son poste malgré la pression de son propre parti et de l’opposition qui exigent son départ.
Au pouvoir depuis 2017, il a fait intervenir samedi l’armée pour « restaurer l’ordre » en réaction à l’attitude de « certaines personnes et institutions » qui, a-t-il accusé, « s’en prennent aux principes et à l’autorité qui assurent la stabilité et la démocratie ».
Dimanche, les blindés et les soldats en armes qui patrouillaient dans les rues de la capitale, Maseru, sous confinement pour cause de pandémie de coronavirus, avaient regagné leurs casernes, a constaté une journaliste de l’AFP.
Une délégation ministérielle sud-africaine s’est par ailleurs rendue dimanche dans la capitale pour prendre le pouls de la situation, a-t-on appris dans l’entourage du chef du gouvernement. « Ils sont arrivés », a déclaré à l’AFP le secrétaire de M. Thabane, Thabo Thakalekoala.
Dans un communiqué signé avec ses homologues américain, britannique et de l’Union européenne (UE), l’ambassadeur de Pretoria à Maseru a rappelé « l’importance de maintenir la stabilité et l’Etat de droit » au Lesotho. « Nous exhortons les autorités locales à favoriser une approche unitaire qui privilégie la protection des citoyens et le maintien des services essentiels » en raison de la pandémie de coronavirus, ajoutent les diplomates, « des actions déstabilisatrices seraient catastrophiques ».
La population du Lesotho est placée en confinement jusqu’à au moins mardi pour endiguer la propagation du coronavirus. Aucun cas de Covid-19 n’a encore été rapporté dans le petit royaume africain.
Le commandant en chef de la police, Holomo Molibeli, a démenti dimanche avoir été arrêté, contrairement à ce qu’avait rapporté une source gouvernementale, mais a annoncé avoir été écarté de ses fonctions. « Je sais qu’ordre avait été donné à l’armée de m’arrêter (…), mais il n’a pas été exécuté », a déclaré M. Molibeli à l’AFP. « Quelqu’un a affirmé avoir été nommé à ma place, a-t-il ajouté. J’ai sollicité la justice pour être protégé. »
Depuis sa mise en cause dans le meurtre de sa femme, Thomas Thabane a été lâché par son parti, la Convention de tous les Basotho (ABC).
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Il a promis de partir à la retraite « d’ici à la fin juillet » en raison de son âge, mais l’ABC et l’opposition le soupçonnent de vouloir gagner du temps pour organiser son impunité judiciaire.
Ses adversaires ont formé le mois dernier une alliance politique pour le remplacer, mais le chef du gouvernement a riposté en ordonnant la suspension du Parlement pendant trois mois, dans le cadre des mesures de lutte contre le coronavirus.
La Cour constitutionnelle a annulé son ordre jeudi, et précipité sa décision de faire intervenir l’armée.
« Les actes du premier ministre montrent clairement qu’il n’est plus apte à exercer ses fonctions, a jugé vice-président de l’ABC, le professeur Nqosa Mahao, dans une déclaration cosignée par deux partis d’opposition. Nous conseillons au premier ministre de quitter ses fonctions avant la date qu’il a indiquée. Son obstination à violer la Constitution et à mépriser les décisions de justice est devenue embarrassante. »
Enclavé au milieu de l’Afrique du Sud, le Lesotho a connu depuis son indépendance en 1966 une histoire politique instable rythmée de coups d’Etat militaires.
Frappé par le chômage, une épidémie de sida qui touche 23 % de ses 2 millions d’habitants et un manque criant de services publics, il fait partie des pays les plus pauvres de la planète.
Le Monde avec AFP