La justice ivoirienne a suspendu à la dernière minute le congrès du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principale formation d’opposition du pays. Il devait élire son nouveau chef samedi, quatre mois après la mort de l’ancien président Henri Konan Bédié.
La justice a ordonné « la suspension et le report du congrès du PDCI dont la tenue est prévue pour le samedi 16 décembre 2023 », selon une ordonnance du juge des référés du tribunal d’Abidjan, datée de vendredi et consultée par l’AFP.
La justice a déclaré recevable la plainte de deux militants qui dénonçaient des irrégularités sur la liste des congressistes appelés à choisir samedi entre le banquier ivoiro-français Tidjane Thiam et le maire de la commune abidjanaise de Cocody, Jean-Marc Yacé, pour diriger le PDCI.
Un important cordon policier était déployé samedi matin devant le quartier général du parti, à Abidjan, a constaté un journaliste de l’AFP.
Plusieurs dizaines de congressistes venus de tout le pays étaient empêchés d’entrer, dans une atmosphère tendue.
« Pour éviter tout risque, nous conseillons aux militants et sympathisants du PDCI d’attendre dans le calme les instructions de la direction du parti en s’abstenant de tout déplacement vers le site prévu pour le congrès », ont indiqué les équipes de M. Thiam, samedi matin dans un communiqué.
« Nous sommes partis hier à 16h pour arriver à 2h ce matin et apprendre ça. La police bloque toutes les issues. Nous sommes étonnés », se plaignait un responsable venu de Tabou (Sud-Est) à plus de 400 km et préférant rester anonyme.
Communiqué de presse du candidat Tidjane Thiam :
Critiques
De nombreux cars venus de tout le pays étaient stationnés près du QG du parti.
Autour de l’hôtel Ivoire où tout était prêt pour débuter le Congrès, des policiers étaient également déployés.
Cette semaine, plusieurs critiques avaient été émises sur le manque de transparence du vote.
Plusieurs cadres du parti, comme Jean-Louis Billon ou Thierry Tanoh, avaient déploré la communication tardive et floue du parti sur les modalités de l’élection de samedi.
« Grande est notre déception de constater l’opacité du processus électoral. Quelle crédibilité et légitimité aura un président élu dans de telles conditions? », s’interrogeaient les deux hommes dans un communiqué.
Un troisième candidat, Maurice Kacou Guikahue, cadre historique du PDCI, avait de son côté annoncé en début de semaine son retrait mais également critiqué le manque de transparence des instances du parti.
« Croisée des chemins »
Avec ce congrès, le PDCI espérait rajeunir son image en élisant un président sexagénaire –Tidjane Thiam et Jean-Marc Yacé ont respectivement 61 et 62 ans– ce qui est considéré comme jeune pour exercer de hautes fonctions politiques en Côte d’Ivoire.
Son ancien dirigeant, Henri Konan Bédié, président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, est mort en août à 89 ans et n’excluait pas de se présenter à la prochaine présidentielle en 2025.
Fort du soutien d’une cinquantaine de députés sur les 63 que compte le parti à l’Assemblée nationale, M. Thiam, ancien directeur général du Credit Suisse, fait figure de favori pour devenir le nouveau chef de l’opposition et préparer 2025.
L’ancien parti unique, celui du père de l’indépendance Félix Houphouët Boigny, n’a plus accédé à la magistrature suprême depuis 1999. Un coup d’Etat avait alors chassé Henri Konan Bédié du pouvoir.
Un temps allié avec Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, le PDCI a repris sa place dans l’opposition en 2018 et a boycotté la dernière présidentielle.
« Il faut qu’il y ait le moins de casse possible. Au sortir des élections nous devons être unis pour se positionner pour 2025. Nous sommes à la croisée des chemins », espérait un cadre du parti, avant le report.