RASSEMBLONS LA NATION

Nos origines ethniques et nos appartenances religieuses variées ont été utilisées ces dernières années pour nous diviser. Nous devrons tous être attentifs à ne plus jamais réveiller ces rivalités malsaines mais au contraire à mettre en valeur nos extraordinaires complémentarités.

Les nominations aux postes gouvernementaux et aux postes à responsabilité dans la fonction publique seront opérées sur la base de critères de mérite, en veillant toutefois à un certain équilibre géographique. Toutes les compétences, de l’ensemble des partis politiques et de la société civile, seront les bienvenues, pour autant que l’intégrité et la loyauté de ceux qui proposeront de se mobiliser n’aient jamais été prises en défaut. La politique divise à certains moment, inévitablement, mais les réalités du pays, de son économie, de sa société sont les mêmes pour tous, les défis à relever dans la compétition mondiale également. La gestion du pays peut et doit en conséquence rassembler. Nous construirons notre gouvernement dans cet esprit.

Nous y inviterons des jeunes. Ils n’ont pas vécu de près certaines vieilles querelles qui ont encore tendance à nous opposer. Ils sont lucides quant à la situation présente et ses risques, ils sont confiants dans les atouts du pays et pleins d’énergie. Leur avenir et celui de leurs jeunes enfants sont leur souci quotidien. Au gouvernement, ils n’en seront que plus responsables.

Un principe essentiel de l’action du gouvernement sera le suivant. Tout gouvernement se doit de justifier ses choix auprès des électeurs, de la population ; il doit notamment justifier pourquoi il agit ici et non pas là. En Côte-d’Ivoire à la fin de l’année 2000 et dans les années suivantes, même lorsque nous aurons surmonté nos divisions, nous ne serons pas à l’abri des suspicions : “Tel ministre réalise tel projet à tel endroit parce que c’est sa région, telle autre région est encore oubliée …”.

Notre gouvernement aura ainsi une obligation encore plus forte de justifier la localisation de ses actions. D’abord, nous proposerons clairement des grands critères, compréhensibles par tous, fondés sur l’équité et sur la nécessité de rattraper le retard pris par certaines zones dans leur développement. Ensuite, nous solliciterons le nouveau Conseil Economique et Social, dans lequel seront représentés les principaux partis et toutes les régions. Nous lui demanderons d’une part de valider ces critères et d’autre part d’en vérifier la prise en compte effective dans les choix du gouvernement.

Un second principe important de l’action du gouvernement sera de favoriser le brassage des groupes, ethniques ou religieux. Nous favoriserons la mobilité des fonctionnaires. Quand nous aurons recours aux mouvements associatifs pour la mise en oeuvre sur le terrain des actions concernant les grandes causes sociales nationales (la lutte contre le SIDA, l’alphabétisation et la scolarisation systématique dans le primaire, la détection des cas de grande détresse…). Nous encouragerons l’action conjointe de mouvements qui ont tendance à s’ignorer, par exemple l’action conjointe des associations de jeunes chrétiens et de jeunes musulmans qui ont déjà, chacune de leur côté, rendu d’éminents services à la société. La laïcité de l’Etat sera réaffirmée. Les différentes confessions seront traitées sur un pied d’égalité et chaque citoyen pourra vivre sa foi en toute liberté.

II- RECONSTRUISONS LES BASES D’UNE DEMOCRATIE DE TOLERANCE ET D’EFFICACITE

Notre jeune démocratie en est encore au stade des balbutiements, les dernières années et les derniers mois nous l’ont cruellement démontré. Rien de durable ne pourra être accompli si nous ne réussissons pas d’abord notre démocratie, si nous ne parvenons pas à faire primer les débats d’idées sur les querelles partisanes.
Apprenons ensemble à débattre des vraies questions. Apprenons à décider ensemble. Apprenons à accepter ensemble la décision de la majorité.

Chacun, de quelque bord qu’il soit, devra réapprendre la tolérance et rechercher l’efficacité, celle de sa propre contribution, celle de la collectivité à laquelle il appartient et, par là même, celle de la Nation toute entière.

Comment allons-nous procéder concrètement ?

1.Nous allons mettre en place des institutions qui favorisent les débats d’idées et la prise de conscience des défis à relever par toutes les Ivoiriennes et tous les Ivoiriens. Nous organiserons des grands débats nationaux, sanctionnés le moment venu par des référendums, essentiellement sur les deux grands sujets de société suivants :
• Quel système de sécurité sociale (assurance maladie et retraite) voulons-nous édifier ?
• Comment voulons-nous faire évoluer notre politique de l’immigration ?

2. Nous formerons à tous les âges des citoyens responsables, conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Il nous faudra cultiver dès l’école en chacun de nos enfants le goût de la liberté de penser et de s’exprimer, le goût d’entreprendre et de se dévouer pour les autres. Nous mettrons le système scolaire et la formation permanente prioritairement au service de cette cause.
Tous les relais possibles seront mis à contribution :
• la famille, base de l’éducation ; quel meilleur modèle pour un enfant que celui de sa mère peinant jour après jour pour boucler le budget du ménage, choisir les priorités, apaiser les conflits naissants ? Affirmons donc le rôle majeur de la famille et des mères de famille et aidons-les à surmonter les obstacles quotidiens ;
• les mouvements associatifs ; nombreux sont ceux qui savent faire preuve d’élan, de générosité et d’efficacité sur le terrain ; aidons-les à animer une vie citoyenne ;
• l’ensemble des médias, écrits ou audiovisuels, d’Etat ou privés, sans restrictions aucunes ; inculquons dans une école nationale de journalisme des bases professionnelles et déontologiques à nos jeunes ; par des mesures réglementaires et fiscales adaptées, aidons les journaux, les radios et les télévisions à jouer pleinement leur triple rôle de communication :

– des gouvernants vers la base,
– mais aussi de la base, tous milieux économiques et toutes couches sociales réunis, vers les gouvernants, à qui ils auront mission de faire remonter, par tous types d’enquêtes, les réalités du terrain, les aspirations et les idées concrètes,
– et enfin de communication transversale entre toutes les forces vives du pays, dont les intérêts sur tel ou tel sujet ne sont pas forcément identiques mais qui pourraient par là en avoir une meilleure compréhension mutuelle, favorisant ainsi l’émergence de consensus ou facilitant les arbitrages finaux de l’Etat.

L ’importance de la liberté de la presse écrite et audiovisuelle sera réaffirmée. Nous mettrons en place des modes de financements équitables et transparents de la vie politique.

Ce service des médias à la collectivité, essentiel en période d’apprentissage de la démocratie, et pour autant que les médias s’efforcent d’en offrir un de qualité, la collectivité, donc l’Etat, doit être prête à le payer. Par l’intermédiaire d’une autorité neutre, au-dessus des partis au gouvernement, et avec le souci de l’efficacité, des moyens financiers seront mis à la disposition des médias pour des actions de terrain dans le sens défini ci-dessus (enquêtes conjoncturelles sur des sujets d’actualité, enquêtes périodiques d’écoute des aspirations de l’ensemble des couches sociales, notamment des plus défavorisées…). Dans le strict respect du principe intangible de liberté de la presse écrite et audiovisuelle, nous faciliterons ainsi l’émergence de médias toujours plus professionnels et plus responsables. A terme, les médias seront ainsi de plus en plus à même d’exercer le rôle de quatrième pouvoir dont les grandes démocraties occidentales ont apprécié à de nombreuses reprises le rôle régulateur, en cas notamment de certaines dérives dans le comportement des gouvernants (corruption, influence sur les systèmes judiciaires…).

3. L’importance de la liberté de la presse écrite et audiovisuelle sera réaffirmée. Cette liberté ne peut être que totale et l’Etat devra se garder de toute intrusion qui pourrait venir la restreindre d’une quelconque manière. Cependant, pour en réguler le bon fonctionnement matériel (pour attribuer par exemple les fréquences radio), pour contrôler l’équité de traitement des candidats au moment des campagnes électorales et, le cas échéant, pour corriger les excès par des rappels à un certain ordre déontologique, sera créée une Haute Autorité des Médias composée de professionnels du secteur, de personnalités reconnues pour leur indépendance, de représentants des confessions religieuses et de représentants des principaux partis politiques.

4. Nous mettrons en place des modes de financements équitables et transparents de la vie politique. Admettons en effet que la vie politique et donc la vie matérielle des partis politiques a un coût, que cette vie politique équilibrée est indispensable au bon fonctionnement de la Nation et que ce coût doit être clairement et ouvertement financé par la collectivité (par l’Etat), dans la neutralité et la transparence.

5. Nous nous donnerons les moyens institutionnels et matériels permettant de garantir durablement la mise en place d’une justice efficace, impartiale, au service de la société et des entreprises. Le statut de la Magistrature et le mode de désignation des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature seront revus dans le sens d’une indépendance plus grande des magistrats. Un accent particulier sera mis sur la formation des magistrats et des autres personnels de la Justice. Une Ecole de la Magistrature et des Professions Judiciaires sera créée ; elle formera au droit mais également au monde des affaires, de manière à ce que les juges aient une meilleure connaissance de son fonctionnement. Le développement des procédures d’arbitrage et la création d’un Tribunal de Commerce, doté de juges sélectionnés pour leur rigueur et leur expérience, permettra d’améliorer la qualité et la rapidité du traitement des contentieux. La simplification des procédures judiciaires, la création de nouveaux tribunaux de première instance, notamment dans l’agglomération d’ABIDJAN, et la rénovation des prisons viendront compléter ce dispositif.

6. Nous ferons appel à la communauté internationale pour nous aider dans tous ces projets, dans le cadre d’un programme d’appui au développement de la démocratie en Côte-d’Ivoire. De plus, au moment des élections, la venue d’observateurs étrangers pourra être salutaire :
• elle rassurera les partis d’opposition quant à la transparence des élections et à la sincérité des résultats ; beaucoup de procès d’intention seront ainsi évités,
• elle démontrera la bonne foi des partis au gouvernement,
• enfin, elle rassurera la communauté internationale et l’incitera à aider la Côte-d’Ivoire dans son développement institutionnel, économique, social et culturel.

La Côte d’Ivoire apparaîtra aux yeux du monde comme un pays politiquement mûr, qui n’a rien à cacher et qui veut résolument reprendre toute sa place dans le concert des Nations.

III- Adaptons le Fonctionnement de l’Etat et rénovons la Fonction publique

L’Etat sera recentré sur ses missions de base de régulation, d’incitation et de déconnexion des inégalités.

Pour une action plus cohérente et plus efficace du gouvernement, nous l’organiserons autour de huit à dix grands secteurs, recouvrant la vingtaine de départements classiques :
– Finances, Budget, Planification
– Services Sociaux, Santé, Education, Solidarité, Promotion de la Femme
– Culture, Communication, Relations extérieures, Francophonie, Jeunesse, Sports
– Agriculture, Développement rural, Environnement
– Politique de la Ville, Urbanisme, Logement, Economie Solidaire (appui au secteur informel)
– Intérieur, Décentralisation, Réforme de l’Etat, Fonction Publique, Immigration
– Industrie, Commerce, Emploi, Equipement, Transport, Mines, Energie, Télécommunications, Tourisme
– Justice, Consolidation de la démocratie
– Défense, Sécurité
Nous accorderons la plus grande importance à la mise en place du contrôle du bon fonctionnement de l’Etat et des collectivités territoriales. Ce contrôle sera à la fois efficace et respectueux des prérogatives des organes contrôlés. Il visera à vérifier le respect des textes, à lutter contre la corruption et à empêcher la constitution de baronnies locales. Les sanctions prévues par les textes seront appliquées et la justice sera saisie aussi souvent que nécessaire.

Pour cela, nous renforcerons d’une part les outils existants (le contrôle de légalité assuré par les Préfets, le contrôle des administrations assuré par l’Inspection Générale d’Etat) et d’autre part, nous instituerons une Cour des Comptes puissante et dotée de moyens adaptés, chargée des contrôles économiques et financiers de l’Etat, des établissements publics et des collectivités territoriales. Au fur et à mesure de la mise en oeuvre de notre projet de décentralisation, la Cour des Comptes sera déconcentrée en entités régionales proches du terrain.

Au service des départements ministériels techniques et financiers, nous recréerons, sur le modèle de l’ancienne Direction et Contrôle des Grands Travaux, une structure d’études, de conseil et d’appui de l’action gouvernementale. Elle sera chargée, notamment, des études à caractère général (planification sectorielle, préparation des programmes de réforme ou d’investissement), du pilotage et de la coordination des interventions des bureaux privés à qui seront confiées les études techniques et les contrôles de réalisation. Nous encouragerons parallèlement le développement de l’ingénierie privée nationale, dont les compétences sont déjà reconnues en dehors de la Côte-d’Ivoire.

Pour faire fonctionner cet Etat restructuré, nous aurons un besoin crucial de tous nos fonctionnaires. Ce sera encore plus vrai pour ceux qui sont employés dans les secteurs-clefs de notre politique. Il importera donc de mobiliser tout le monde et de remobiliser tous ceux gagnés par un sentiment de découragement. En effet, l’attitude de certains de leurs collègues déloyaux envers l’Etat, souvent absents, parfois corrompus, le manque de vision, d’organisation et de moyens en ont conduit un bon nombre à désespérer. La perception de la Fonction Publique par la population a également été déformée par ces agissements. Nos concitoyens ont pu croire qu’ils étaient le fait de l’ensemble des fonctionnaires, ce qui était globalement injuste et infondé. Il est donc impératif aujourd’hui de rénover la Fonction Publique et ainsi de restaurer son image aux yeux des Ivoiriens.

Concrètement :
– Nous remettrons à plat le système de rémunération des fonctionnaires.
Le secteur public doit pouvoir attirer les talents et à cet effet les rétribuer aussi bien que le secteur privé. En retour, il sera exigeant sur les résultats, qui serviront de base à leurs compléments de rémunération.

– Nous procéderons dès les premières semaines et sans attendre cette remise à plat, à l’abrogation de la mesure du “raccrochage” des salaires des enseignants, qui n’était prévue que pour être transitoire. Nous procéderons également à une hausse modérée mais généralisée des salaires, notamment les plus bas, bloqués depuis trop longtemps, même dans les moments de reprise économique qui auraient permis des efforts. Nous partagerons les fruits de la croissance dès qu’elle sera revenue. C’est moralement indispensable et cela soutiendra la consommation intérieure.

– Nous remettrons en place la sélection par le mérite (les compétences, le dévouement, l’intégrité, les résultats). L’Etat disposera ainsi d’une Fonction Publique efficace et les fonctionnaires vivront leur travail quotidien avec motivation, dans la sérénité et la certitude que leurs efforts seront justement récompensés. Il nous faudra bien sûr nous doter d’un système équitable et transparent de mesure du mérite.

– En ce qui concerne les effectifs de la fonction publique, l’Etat continuera de se désengager de certaines activités, laissera progressivement certains effectifs se réduire, mais embauchera régulièrement pour renouveler ou développer dans certains secteurs-clefs.

Dans cette perspective, un bilan complet des ressources et des besoins sera fait dès la première année. Des nécessités de redéploiements géographiques (compensation des sous-effectifs à l’intérieur du pays par résorption des sureffectifs à Abidjan) pourront apparaître. Nous demanderons aux bonnes volontés de se manifester.

– Pour que l’Etat soit en mesure de gérer les affaires publiques de manière efficace, au service de la Nation tout entière et en particulier au service du développement du secteur privé, nous formerons les fonctionnaires de façon plus moderne et plus ouverte sur le monde extérieur. Ils seront ainsi au fait de la compétition mondiale des économies, prêts à aider les opérateurs économiques ivoiriens, notamment les exportateurs, à gagner. Ils seront davantage à l’écoute des problèmes du secteur privé, ils seront en mesure de supprimer les obstacles administratifs et de leur simplifier la vie. Ils les aideront concrètement à accéder à des technologies encore peu utilisées en Côte-d’Ivoire, à trouver de nouvelles parts de marché, à tisser des alliances interafricaines ou internationales. Enfin, ils seront en mesure d’accueillir convenablement des investisseurs étrangers, de les séduire en leur montrant tous les atouts du pays, son climat de paix retrouvé, ses ressources naturelles, ses infrastructures, la qualification et la fiabilité de sa main-d’oeuvre. A cette fin, nous réformerons en profondeur le système qui les forme. Nous réformerons l’Ecole Nationale d’Administration, nous développerons les enseignements de l’économie, de la finance, de la gestion des affaires publiques et privées. Nous systématiserons les stages dans le secteur privé, pendant la formation initiale des fonctionnaires mais également pendant toute leur carrière.

– Afin de mieux intégrer l’Administration dans le tissu économique et social, nous favoriserons les passages de fonctionnaires, pour quelques mois ou quelques années, dans le secteur privé, à des postes opérationnels, pour qu’ils connaissent mieux les réalités du terrain et voient l’Administration du côté des opérateurs privés. A l’inverse, nous recruterons pour quelques temps des cadres supérieurs du secteur privé pour qu’ils viennent au sein de l’Administration implanter des méthodes, aider à créer de nouvelles équipes… Nous favoriserons également les passages momentanés dans les institutions internationales, enrichissants pour les individus mais aussi, à leur retour, pour l’Etat. Nous examinerons dans quelle mesure nous pourrons autoriser certains fonctionnaires à exercer, de manière contrôlée, des activités parallèles dans le secteur privé (dans le secteur de la santé notamment mais peut-être aussi dans d’autres secteurs). Nous ouvrirons à ceux qui le souhaitent des sorties sécurisantes vers le secteur privé.

– Dans le cadre de la décentralisation, les agents de la fonction publique territoriale (les fonctionnaires régionaux et communaux) feront l’objet de la même attention que les agents de l’Etat. Ils bénéficieront d’un statut et de systèmes de gestion des carrières et de formation continue favorisant la mobilité et l’épanouissement professionnel. Les transferts entre la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale seront facilités.

– Enfin, nous proportionnerons mieux les budgets entre les dépenses salariales et les autres dépenses (équipements et fournitures), ce qui permettra aux fonctionnaires d’accomplir effectivement les tâches qui leur sont imparties. Tout cela leur redonnera courage et satisfaction du travail bien fait.

IV- Instaurons un véritable processus de décentralisation

Le processus de communalisation entrepris en 1980 a permis à la Côte-d’Ivoire de progresser. Malgré quelques « péchés de jeunesse » et un transfert insuffisant de ressources financières aux communes, auquel nous entendons remédier, la gestion de la chose publique s’est rappro¬chée du terrain. Les besoins essentiels sont mieux pris en compte, en effet, sous le regard critique des électeurs, qui sont là pour vérifier ce qui se passe et sanctionner les dérives. La démocratie locale a ainsi déjà fait un pas et une génération de responsables politiques locaux a vu le jour.

Aussi le moment est-il venu d’approfondir la décentralisation. Car si le gouvernement précédent a créé un échelon supplémentaire, celui des Régions, il n’a pas su lui donner un contenu concret.

De notre côté, nous voulons y parvenir progressivement mais rapide¬ment. A cette fin, nous reprendrons la réflexion en commun et le dia¬logue avec tous les partenaires concernés sur les questions suivantes.

• Quel découpage des régions adopter ?

Nous agirons là sous contrainte. En effet, il ne faut surtout pas accen¬tuer les divisions existantes. Il importe au contraire de les atténuer et d’organiser au mieux les complémentarités au sein d’une même région en suivant une logique non seulement ethnique et culturelle, mais aussi économique.

• Quelles compétences transférer aux régions ?

Assurément, leurs compétences devront s’étendre. Leur capacité décisionnaire en matière d’actions publiques (notamment les inves¬tissements) deviendra effective dans le cadre d’une politique nationale visant à corriger les déséquilibres entre les régions.

Nous veillerons également à leur confier un rôle dans la mise en œuvre des décisions, par exemple dans la construction et l’entretien des routes régionales ou des pistes rurales, des écoles, des collèges et des lycées, des centres de santé et des hôpitaux régionaux. Nous leur donnerons également un rôle opérationnel de mise en œuvre des actions de solidarité en faveur des couches les plus défavorisées. Nous préci¬serons avec les partenaires concernés l’étendue de ce rôle opérationnel.

Des ressources financières devront leur être transférées en contrepartie de leurs nouvelles responsabilités et certains impôts nationaux transformés en impôts locaux ou régionaux. Des contrôles devront être mis en place pour éviter les dérives.

Nous réfléchirons ensemble à toutes ces questions et prendrons les décisions par étapes.

V- Etablissons une Fiscalité plus efficace et plus solidaire

La Nation, dotée de communes renforcées, de régions disposant de réels pouvoirs et de réelles ressources mais aussi d’un Etat simplifié, rationalisé et modernisé, apprendra à mieux dépenser l’argent public en choisissant avec soin à quoi il sera employé et en veillant scrupuleuse¬ment à l’effectivité de son affectation, comme savent si bien le faire nos mères de famille et nos chefs d’entreprise.

L’argent public, en effet, n’est pas la propriété des organes qui le col¬lectent et le dépensent, mais celle du peuple, qui est en droit d’exiger transparence et efficacité dans l’affectation des impôts levés. Mais il fau¬dra d’abord faire rentrer l’argent nécessaire dans les caisses de l’Etat et des collectivités.

Nous sommes, dans le domaine de la fiscalité, confrontés à trois enjeux majeurs :
• Notre politique fiscale devra inciter fortement à la création de nouvelles activités et à la réduction des disparités régionales. En complément du nécessaire assouplissement des réglementations, il s’agit vraiment là de l’outil principal de l’action économique de l’Etat, que nous désengage¬rons définitivement des activités de production.

• Notre politique fiscale constituera également l’instrument clef d’une politique de solidarité et de redistribution de la richesse. Elle sous-tendra pareillement l’affermissement de la démocratie dans notre pays.

A cet effet, nous procéderons à une réforme en profondeur de la fiscalité. Nous élaborerons une nouvelle fiscalité plus efficace économi¬quement, plus équitable socialement, mais aussi plus lisible et plus simple pour faciliter la vie des contribuables (personnes physiques et sociétés) et dissuader les fraudeurs, plus à leur aise avec un système complexe et opaque. Nous irons progressivement vers un allégement global de la fiscalité supportée par les entreprises. Nous remettrons en cause certains régimes d’exonération injustifiés établis par le gouverne¬ment précédent, pour mettre en place un régime de droit commun inté¬grant en son sein et sur des bases durables, des réductions ciblées sur nos objectifs politiques, économiques et sociaux fondamentaux :
– le développement de la démocratie, et pour cela, le développement des médias, écrits et audiovisuels,

– la création d’activités nouvelles, et notamment la création de Petites et Moyennes Entreprises, qui contribueront pour l’essentiel à la création des nouveaux emplois dont nous avons besoin,

– le développement d’activités à vocation sociale importante (établisse¬ments d’enseignement ou de santé privés, associations, ONG…),

– l’implantation d’activités dans des régions en retard dans leur développement.

La nouvelle politique sociale du gouvernement, tournée résolument vers les couches les plus défavorisées, ne pourra être mise en œuvre sans un effort de solidarité particulier des couches les plus favorisées. Le barè¬me d’imposition des personnes physiques (tranches et taux) sera révisé dans ce sens ; le taux d’imposition des revenus le plus élevé restera toutefois dans la moyenne des taux pratiqués par les grands pays démocratiques. En même temps, le système d’imposition des per¬sonnes physiques sera simplifié (réduction du nombre d’impôts, géné¬ralisation du prélèvement à la source…). Nous reverrons également l’impôt foncier pour qu’en soient notamment exonérés les propriétaires les plus modestes occupant leur logement (pour autant que la valeur de ces logements ne dépasse pas un certain seuil). L’accession à la propriété sera ainsi encouragée.
– Troisième et dernier enjeu, celui de l’accroissement du rende¬ment des impôts. Il s’agira de faire payer l’impôt par ceux qui doivent s’en acquitter, afin :

– d’accroître les recettes de l’Etat et de financer ses programmes économiques et sociaux, mais aussi,

– de mettre un terme à de vieux privilèges et crédibiliser une politique de gouvernement réellement tournée vers les couches les plus défavorisées,

– de participer à la restauration de la crédibilité internationale de la Côte-d’Ivoire,

– d’assurer les conditions d’une concurrence équitable entre les acteurs de la vie économique,

– d’accroître les recettes de l’Etat et de financer ses programmes écono¬miques et sociaux.

Ces trois aspects sont autant de domaines où le gouvernement précédent a prouvé son incapacité. Les objectifs visés n’en sont pas pour autant

hors d’atteinte. Nous déploierons tous les moyens pour y parvenir.
– nous réformerons l’impôt pour le rendre plus difficile à contourner,

– nous confierons au secteur privé certaines tâches : inventaire des contribuables, préparation des émissions, croisement des informations détenues par les différentes régies financières, assistance à ces régies pour le recouvrement, contrôle de l’éligibilité aux mesures de réduction de la fiscalité…

– nous réprimerons plus sévèrement les fraudeurs (les contribuables comme les fonctionnaires complices).

VI- Dépensons mieux l’argent public

Afin d’y voir plus clair sur un certain nombre de points, et notamment sur les arriérés de l’Etat qui pèsent tout à fait anormalement sur le secteur privé, nous engagerons très rapidement un examen général de la situa¬tion des finances publiques. Dans un délai maximal d’un an, nous restructurerons la dette intérieure de l’Etat, de manière à ce qu’elle ne pèse plus en aucune façon sur les opérateurs économiques dont la vocation n’est bien évidemment pas de prêter de l’argent à l’Etat.

Avec la confiance restaurée des opérateurs économiques, la croissance reprendra. Un peu de temps sera bien sûr nécessaire pour qu’elle s’en¬racine. Tous nos efforts seront déployés pour atteindre un taux de crois-sance réel de 6 % par an en moyenne, un peu moins en début de man¬dat, plus vers sa fin.

En matière d’impôt, de vastes gisements demeurent inexploités. Grâce aux mesures que nous avons évoquées, nous saurons dégager des ressources supplémentaires conséquentes. Le rendement de l’im¬pôt foncier, en particulier, sera doublé en moins de trois ans.

Les bailleurs de fonds avaient perdu confiance en notre pays avec la gestion du régime précédent. Dès notre arrivée, la confiance que nous avons déjà su inspirer reviendra tout naturellement et nous renouerons sans délai les relations normales que nous avons toujours entretenues avec eux.

Nous obtiendrons dès lors le traitement en profondeur de la question de la dette, fardeau insupportable dont il aurait fallu se déles¬ter au lendemain de la dévaluation du Franc CFA. Nous nous fixons pour cela un délai maximal de deux ans. Nous obtiendrons en plus de nouvelles aides dans de bonnes conditions financières (avec une importante part de dons ou de prêts de longue durée à taux nul). Evidemment, le résultat de ces discussions dépendra pour une très grande part de la capacité du futur gouvernement de rassurer nos interlocuteurs sur la bonne gestion future de l’économie et des finances publiques.

Nous disposerons ainsi de ressources financières largement accrues. En toute logique et avec le sens des responsabilités qui doit être celui de tout gouvernement sérieux et capable, nous ne dépenserons que les ressources financières dont nous disposerons de façon effective. Nous le ferons dans le sens d’une meilleure productivité économique et d’une plus grande justice sociale.
– L’efficacité économique, d’abord, parce que le rôle de l’Etat consiste en premier lieu à soutenir les activités économiques productives et créatrices d’emplois dans le secteur privé. Ce soutien se traduira par un investissement d’au moins 20 % des ressources de l’Etat dans les secteurs relevant de sa responsabilité directe (les pistes, les routes…) sans négliger les possibilités de mobiliser des ressources privées dans le cadre de concessions.

– L’efficacité sociale, aussi, parce qu’il est du devoir de l’Etat :

– de faire fonctionner correctement les services sociaux de base (éduca¬tion, santé) en dotant les secteurs concernés des budgets de fonction¬nement (notamment en « consommables » tels que matériels scolaires, médicaments…) et d’investissement nécessaires (rénovation des équi¬pements existants),

– de rendre accessibles ces services au plus grand nombre (en réduisant par la même occasion les disparités régionales) en créant des équipe¬ments nouveaux, en fonction de critères clairs de sélection des collectivités bénéficiaires,

– de rendre gratuits ces services pour les couches les plus défavorisées.

Ainsi, les objectifs que nous nous engageons solennellement à atteindre lors du mandat 2000-2005 nous semblent relever non seulement de la compétence de l’Etat mais de son devoir le plus absolu. C’est un contrat.

que nous proposons de passer avec les Ivoiriennes et les Ivoiriens, la contrepartie juste et légitime de la confiance qu’ils nous témoigneront et de la délégation du pouvoir qu’ils nous donneront par leur vote. Ils sont au nombre de 8.

Ces 8 objectifs sont précis, ils sont réalistes, ils concernent tous nos concitoyens, qui pourront vérifier qu’ils seront atteints et ils engageront donc clairement notre responsabilité :
1. L’eau potable collective gratuite sera amenée dans tous les vil¬lages de plus de 100 habitants et dans tous les quartiers défavorisés de nos villes.

2. L’électricité, par le réseau traditionnel ou par la micro-génération dans les villages isolés si cela s’avère moins coûteux, pour éviter de pénaliser les régions les moins denses, atteindra tous les villages de plus de 500 habitants.

3. Les pistes rurales permettant d’accéder à tous les villages seront rendues viables en toutes saisons (par la construction de ponts modernes) et seront reprofilées au moins 1 fois par an.

4. Toutes les routes supportant un trafic de plus de 300 véhicules par jour seront bitumées. Jamais la construction d’une route ne sera décidée pour des raisons politiques.

5. Des écoles primaires et des centres de santé de base seront créés à moins de 5 km de chaque regroupement humain. Des collèges secondaires seront créés à moins de 50 km. Tous ces établissements seront dotés des personnels, des moyens matériels et des budgets nécessaires à leur bon fonctionnement.

6. Tous les enfants de moins de 15 ans seront scolarisés dans le secteur primaire et dans le premier cycle du secondaire avant 2005.

7. Les manuels scolaires seront gratuits pour les ménages disposant d’un revenu de moins de 50 000 Francs CFA/mois.

8. Les soins de base et les médicaments essentiels seront également gratuits pour ces ménages.

VII- Agissons en Faveur des couches les plus défavorisées

La responsabilité de l’Etat sera de faire face à la situation actuelle de grande précarité des couches sociales les plus défavorisées.

Un système de sécurité sociale peut-il être créé immédiatement ?
– Les couches sociales les plus défavorisées, c’est-à-dire celles qui ont le plus besoin de bénéficier d’une couverture sociale, sont aussi le plus souvent celles qui ont le plus de difficultés à entrer dans un système de mutualisation et à cotiser régulièrement. Faut-il les exonérer de toute contribution ? N’est-il pas alors plus simple de leur délivrer gratuitement les prestations essentielles ? Ou faut-il au contraire, par principe, leur demander une contribution (une cotisation) minimale ? Mais tout le monde a-t-il vraiment les moyens de cotiser ? Que ferions-nous vis-à-vis de ceux qui ne seraient pas à jour ?

– Le coût des prestations délivrées à l’ensemble des bénéficiaires ne peut pas être pris en charge par le seul secteur formel (salariés et employeurs), qui représente encore une proportion relativement faible de l’économie (moins de 10 % des emplois) ; la « formalisation du secteur informel » n’est pas non plus une solution réaliste : il faut d’abord laisser grandir les activités du secteur informel, mais à leur vitesse, avant de les faire entrer dans le secteur formel et de les taxer ; le financement de l’Etat, ou plus exactement de l’ensemble de la collectivité nationale par le canal de l’Etat (de l’impôt), sera sans doute inévitable pendant une ou deux décennies ; l’Etat doit-il s’en donner les moyens ? Comment ?

– Devons-nous assurer tout de suite tous les risques, la maladie mais aussi le chômage, les allocations familiales, la retraite, ou devons-nous à l’inverse nous concentrer sur le risque majeur de la maladie, celui qui sur le plan moral désempare le plus les familles et sur le plan matériel les déstabilise le plus ?

– Le système de sécurité sociale en lui-même a un coût, surtout s’il est calqué sur un modèle occidental, s’il pousse à une consommation excessive de prestations ; ne pouvons-nous pas tirer des enseignements

précieux de l’expérience de nos mécanismes de solidarité traditionnels (au sein des familles, dans le cadre des tontines…) pour nous éviter de créer des systèmes trop lourds et trop coûteux ?

Toutes ces questions sont complexes et si nous voulons aller trop vite, nous risquons de construire un système déséquilibré sur le plan financier ou qui ne profitera qu’aux couches les plus favorisées.

Quelles réponses pratiques proposons-nous en conséquence ?
1. Donnons-nous un certain temps pour réfléchir à tête reposée à cette grande question de société ; organisons un grand débat national sur la sécurité sociale, construisons 2 ou 3 projets possibles, cohérents et financés de manière claire, et choisissons ensemble le meilleur par la voie d’un référendum. Nous nous engageons à soumettre des proposi¬tions concrètes à la Nation dans ce sens dans un délai de 2 ans.

2. Dans l’intervalle, agissons sans tarder pour réduire la pauvreté : l’Etat a le devoir en effet de mettre en place un dispositif d’actions de terrain rapidement efficace pour faire face aux problèmes sociaux les plus aigus. L’ensemble de la Nation sera mobilisé pour la mise en œuvre de ce programme de solidarité.

Pour cela :
– Nous allons diversifier les outils de mise en œuvre de ces actions en utilisant les structures de l’Etat redevenues pleinement efficaces, mais aussi en confiant des ressources financières publiques à des relais non publics qui ont démontré leur efficacité (1 Franc à l’entrée, 1 Franc à la sortie) : mouvements associatifs (notamment les mouvements confes¬sionnels), associations de jeunes, ONG nationales et internationales.

– Nous allons mobiliser des ressources financières extérieures supplémentaires, par la mise en place de systèmes crédibles de distribution de l’aide : 1 Franc mis en place par l’Etat générera 1 Franc

supplémentaire apporté par l’extérieur, sous réserve que les 2 Francs soient dépensés efficacement, dans la transparence et en faveur des populations ciblées convenues. La ressource rare pour l’action sociale de base, ce n’est pas l’argent, ce sont les systèmes fiables de distribution et d’action sur le terrain. La moralisation de l’Etat et la contribution de toutes les bonnes volontés auront un effet multiplicateur des ressources financières mobilisables.

– Nous réserverons les actions sociales gratuites aux couches les plus défavorisées. Cela impliquera le contrôle des ressources des ménages et nous devrons mettre en place des systèmes simples et effi¬caces, s’appuyant sur toutes les bonnes volontés prêtes à se mobiliser pour agir dans le souci de l’équité.

Quelles actions concrètes allons nous mener en priorité ?

Nous assurerons :
– la mise à disposition gratuite des manuels scolaires dans le primai¬re ; cette gratuité profitera notamment aux filles, souvent victimes de la sélection dans les familles qui n’ont pas les moyens de scolariser tous
leurs enfants,
– la gratuité des médicaments contre le paludisme et les autres mala¬dies endémiques traditionnelles,
– la gratuité de l’eau potable collective.

Qu’allons-nous faire vis-à-vis du SIDA ?

Outre l’amélioration nécessaire de l’efficacité des programmes de pré¬vention, une action vigoureuse symbolisera notre nouvelle approche du devoir des gouvernants :
– dire la vérité à la population, affronter ensemble la situation,
– traiter par des actes volontaristes et rapides les questions les plus graves,
– mobiliser l’aide extérieure et démultiplier les efforts à l’intérieur.

cette fin, nous développerons les programmes de traitement des per¬sonnes séropositives par les multithérapies, qui sont apparues il y a quelques années, dont l’efficacité est maintenant prouvée mais qui sont encore très chères, trop chères. Ces traitements seront gratuits pour les plus défavorisés. Pour les autres, nous ferons jouer tous les leviers possibles : par exemple 1 Franc de l’Etat pourra permettre de mobiliser 1 Franc de l’employeur privé, 1 Franc du malade bénéficiaire et 3 Francs de la communauté internationale. Nous impliquerons fortement la recherche médicale (l’utilisation des derniers résultats permettra de définir les traitements présentant les meilleurs rapports efficacité/coût) et les industries pharmaceutiques (pour obtenir des prix de vente s’ap¬prochant du coût marginal de production). Là encore, en faisant la démonstration d’une gestion responsable, nous obtiendrons un appui très fort des pays amis.

VIII- Reconstruisons notre système éducatif

Nous allons réformer en profondeur notre système éducatif, aujourd’hui malade, pour le rendre plus accessible et plus efficace.

Quel droit moralement plus vital que le droit à l’éducation ? Quelle nécessité plus vitale pour une Nation que celle de disposer d’hommes et de femmes épanouis et confiants en eux-mêmes, d’actifs efficaces et de citoyens responsables ? L’éducation sera clairement notre première priorité.

Première mesure : l’école deviendra obligatoire et gratuite pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 15 ans. L’école publique laïque et les écoles privées, laïques ou confessionnelles, offriront un large éventail de possibilités aux parents pour la scolarisation de leurs enfants.

Deuxième mesure : une fois dotés d’un bagage culturel et civique com¬mun, à l’issue de la classe de 3e™, les enfants seront orientés préférentiellement vers l’enseignement professionnel et technique ; ce

sera la filière d’excellence, celle qui formera les actifs, en qualité et en quantité strictement en adéquation avec les besoins de notre économie. Pour assurer cette indispensable adéquation formation – emploi, nous impliquerons de plus en plus le secteur privé (les fédérations d’en¬treprises, les organismes professionnels…) dans la définition des besoins et dans la gestion opérationnelle des filières d’enseignement professionnel. L’Etat déléguera des budgets à ces nouveaux acteurs. Parce que ces formations qualifiantes seront mieux ciblées sur les besoins et donc en particulier plus courtes, parce que les moyens finan¬ciers seront dépensés avec le souci permanent de l’efficacité qui est celui du secteur privé, le coût global de ce système sera maîtrisé. Ces filières seront gratuites pour les enfants des familles les plus défavori¬sées. Parallèlement, la filière d’enseignement général, payante, conduira au baccalauréat et donnera accès à l’enseignement supérieur. Une sélection plus stricte à l’entrée garantira un taux élevé de réussite aux différentes étapes ultérieures. Des passerelles permettront en cours de route des transferts de la filière d’enseignement général dans les filières d’enseignement professionnel. Tous les jeunes qui sortiront du nouveau sys¬tème éducatif auront réussi, et disposeront d’une qualification, d’un métier.

Nous réformerons également l’enseignement supérieur pour en augmenter l’efficacité ; le système des unités de valeur sera générali¬sé de manière notamment à réduire les situations d’échec et à raccourcir les cursus ; les disciplines les plus utiles dans la vie active seront privilégiées ; pour une meilleure satisfaction des besoins de l’intérieur du pays, le processus de déconcentration des universités que nous avions engagé sera poursuivi ; pour une meilleure productivité des moyens, celles-ci fonctionneront 12 mois sur 12. Les bourses de l’Etat seront réservées aux enfants de familles les moins favorisées qui auront de bons résultats.

De l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur, les langues nationales seront mises en valeur.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, nous aurons besoin de réformer l’organisation et de redimensionner les moyens.

Au chapitre de l’organisation :
– la responsabilité de la construction et de l’entretien des écoles pri¬maires et des collèges publics sera transférée aux Régions ou aux Communes, l’Etat assurant la mise à disposition des enseignants, des manuels scolaires (gratuits pour les enfants des ménages les plus modestes) et des budgets de fonctionnement,

– l’Etat continuera d’assumer entièrement les lycées d’enseignement général et les universités,

– comme nous l’évoquions, le secteur privé assumera l’enseignement professionnel et technique : entretien des locaux mis à disposition par l’Etat, construction des nouveaux locaux, définition des enseignements, recrutement des enseignants, gestion des budgets.

Au chapitre des ressources humaines et des moyens matériels et financiers :

– l’abrogation de la mesure du « raccrochage » des salaires des jeunes enseignants et la remise en marche du système remobiliseront les personnels enseignants,

– l’état actuel de nombre d’établissements et l’instauration de l’école obligatoire généreront des besoins importants de rénovation et de construction ; nous obtiendrons l’appui de la communauté financière internationale à ce grand projet ; nous aurons de même besoin de nom¬breux maîtres et professeurs supplémentaires : nous devrons donc en former de nouveaux mais nous demanderons également aux retraités qui le souhaitent de se remobiliser pour quelques années,

– par contre, le raccourcissement et l’accélération des parcours des élèves dans les filières d’enseignement professionnel et général et la rationalisation de l’utilisation des moyens existants permettront de limi¬ter les besoins nouveaux, tant en enseignants qu’en locaux.

Certaines mesures, telles que la stabilisation des manuels scolaires, dont la fréquence de modification est aujourd’hui largement exagérée, et la simplification de leur présentation permettront des économies substantielles par rapport à la situation existante.

Globalement, la part de l’éducation dans le budget de l’Etat devra être significativement relevée.

IX- Mobilisons la jeunesse

Les jeunes ont des droits, nous allons les satisfaire. Ils sauront être raisonnables dans leurs revendications et n’auront pas à attendre long¬temps pour l’essentiel. Mais ils ont aussi des devoirs. Nous sommes sûrs qu’ils les accompliront spontanément. Ils ont enfin des espoirs. Nous ne les décevrons pas.

Les jeunes seront les premiers bénéficiaires de la politique du futur gouvernements mais ils sauront se mobiliser pour en être aussi les premiers acteurs. Ce sera indispensable à tous points de vue :
– du point de vue économique et financier, l’activité nouvelle générée par leurs initiatives permettra de financer les actions en leur faveur,
– du point de vue social, le coût de notre très ambitieux programme sera réduit grâce à leur implication massive,
– sur le plan moral, c’est la Nation entière qui tombe malade si sa jeunesse n’a pas un projet.

Les jeunes joueront un rôle fondamental dans l’économie.

Nous allons faire revenir la croissance dans peu de temps. Des emplois vont être créés dans le secteur privé.

L’Etat ne créera pas directement des emplois en grand nombre ; du fait de la réduction de son rôle et de la contrainte financière, mais il investi¬ra davantage. Cela va également générer des créations d’emplois.

Les jeunes doivent se préparer en se formant, en étudiant.

Un nombre croissant d’entre eux développeront l’envie de créer leurs emplois eux-mêmes. Grâce au soutien de l’Etat, ils en auront la possibilité. Ils s’établiront dans le petit commerce, ils crée¬ront des micro-entreprises, ils s’investiront dans les nouveaux métiers de l’information, ils monteront des radios locales… Nous les inciterons à se regrouper pour faire face ensemble aux différents défis qu’ils auront
à relever.

Nous les aiderons et, s’il le faut, nous les guiderons dans ce sens :
par la mise en place de formations courtes ciblées sur la création d’activités individuelles ou de micro-entreprises, accessibles aux jeunes de niveaux de formation variés (pas nécessairement des bacheliers) ; la difficulté d’entreprendre sera ainsi démystifiée,
– par la simplification des démarches administratives,
– par la mise en place de structures d’appui, d’incubateurs de PME, pour guider leurs premiers pas (conseil, aide aux démarches administratives…),
– par la mise en place sur le terrain de systèmes de distribution des crédits bancaires,
– par l’application d’une fiscalité réduite (aucune fiscalité pendant 3 à 5 ans).

Pour favoriser l’accès des jeunes à un premier emploi dans le secteur moderne, nous étudierons également la possibilité d’une prise en charge par l’Etat, pour une durée limitée, d’une partie des coûts salariaux des jeunes recrutés par des entreprises.

Les jeunes joueront également un rôle social fondamental.

Les jeunes sont pleins d’énergie, ils ne demandent qu’à mettre leur dyna¬misme au service de la Nation. Beaucoup d’entre eux ont reçu une formation solide, même s’il leur reste à apprendre. Beaucoup d’entre eux ont des convictions morales ou religieuses ; ils ont envie d’aider les autres.

Cette énergie, ce savoir, ces convictions, cela leur donne des responsabilités vis-à-vis de ceux qui ont eu moins de chance qu’eux et qui attendent maintenant un élan de solidarité du pays.

Nous proposerons aux jeunes de se mobiliser dans ce sens. Dans les mouvements associatifs existants ou ceux qu’ils créeront en fonction de leurs aspirations et de leurs affinités, nous leur proposerons de se consacrer bénévolement, même si ce n’est que quelques heures par semaine :
– à apprendre à lire à leurs aînés et congénères analphabètes,
– à leur apprendre à devenir des citoyens à part entière,
– à sensibiliser les populations rurales et urbaines aux dangers du SIDA et aux mesures de prévention qui s’imposent,
– à détecter les plus pauvres et les plus fragiles dans les couches sociales défavorisées et à leur fournir l’aide que le reste de la Nation, par solidarité, se devra de leur apporter (médicaments, rations alimentaires…),
– à sélectionner les bénéficiaires des micro-crédits et à appuyer les créations d’activités dans le secteur informel.
Pour cela, l’Etat mettra à leur disposition :
– les formations pratiques de courte durée qui leur permettront d’être plus efficaces sur le terrain,
– les moyens matériels pour aller à la rencontre des populations dans le besoin,
– les aides qu’ils leur apporteront de la part de la Nation solidaire.

Pour cela, l’Etat mettra à leur disposition :

– les formations pratiques de courte durée qui leur permettront d’être plus efficaces sur le terrain,
– les moyens matériels pour aller à la rencontre des populations dans le besoin,
– les aides qu’ils leur apporteront de la part de la Nation solidaire.

A la faveur de ces activités, ils seront en mesure d’acquérir des connais¬sances nouvelles et une expérience pratique des activités opération¬nelles sur le terrain (des relations avec les autres, du travail en équipe, de la gestion de moyens matériels et financiers…). Ils deviendront ainsi des citoyens plus responsables, plus inventifs, plus respectueux des res¬sources communes ; leur conscience collective mûrira. Ils apprendront à travailler ensemble, pour mieux vivre ensemble, toutes ethnies et confessions confondues. Forts de l’expérience acquise, ils seront pré¬parés pour créer leurs propres emplois. L’Etat pourra détecter les jeunes qui auront fait la preuve de leur talent et de leur dévouement pour leur proposer des responsabilités opérationnelles dans la Fonction Publique.

Des récompenses de toutes natures seront accordées aux plus méri¬tants en signe de reconnaissance de la Nation pour les services rendus.
X.Rehaussons le rôle des Femmes

Les femmes n’occupent pas encore pleinement la place qu’elles méri¬tent dans nos sociétés, ayons le courage de le reconnaître. Elles n’ont pas non plus la place que la société dans son ensemble aurait intérêt qu’elles occupent.

Chaque fois que des femmes accèdent à des postes à responsabilité, dans les entreprises, dans la fonction publique, dans la politique, les analyses sont mieux élaborées, de manière plus ouverte, les décisions sont prises avec une plus grande conscience, elles sont mieux expli¬quées, mieux acceptées, leur mise en œuvre devient plus facile, les conflits s’apaisent, l’équilibre revient. Tous les hommes le reconnaissent, au moins au fond de leur cœur.

N’est-ce pas précisément maintenant que la Côte d’lvoire a besoin de ce supplément d’âme et d’équilibre ?

Ensemble, donnons-nous les moyens de faire jouer aux femmes un rôle accru et la Côte d’lvoire progressera dans des domaines cruciaux :
– l’apprentissage de la démocratie, le retour à la tolérance et la réconciliation nationale seront plus rapides,
– la capacité d’entreprendre et la réussite dans les entreprises seront multipliées,
– les détresses sociales seront mieux détectées et mieux corrigées.

D’abord, attelons-nous à réduire la pénibilité des tâches domestiques qui incombent le plus souvent, voire exclusivement, aux mères de famille ou aux jeunes filles. Dans les zones rurales et à la périphérie des villes :
– dans certaines zones, les femmes passent encore une bonne partie de leur temps à aller chercher l’eau nécessaire à la vie de la famille : la tâche est souvent très dure, l’eau n’est pas toujours propre, avec toutes les conséquences qui en résultent sur la santé : offrons un accès facile et gratuit à l’eau potable collective. Il n’y a aucune difficulté technique, ce n’est qu’une question de moyens financiers (mais la communauté internationale nous aidera pour cela) et d’organisation ;
– les femmes passent également une bonne partie de leur temps à aller chercher le bois de chauffe nécessaire à la cuisson des aliments ; la tâche est tout aussi pénible, les dommages créés à nos ressources forestières sont parfois graves ; or, la Côte d’ Ivoire dispose depuis quelques années de ressources en pétrole et en gaz : permettons à l’ensemble de la population d’accéder pour un prix très modique au gaz en bouteille. Là encore, il n’y a pas de difficulté technique, nous disposons des ressources naturelles nécessaires et d’opérateurs éco-nomiques compétents. A chaque fois que la dignité de la femme sera ainsi en jeu, nous saurons mettre en place l’organisation et trouver les moyens financiers pour intervenir. Dans ce cas, nous préserverons en plus notre environnement.

Ainsi débarrassées de ces tâches pénibles, les femmes seront en mesure de mieux se consacrer aux nobles fonctions qui sont traditionnellement les leurs :
– celle de mère et d’éducatrice,
– celle de gestionnaire du ménage.

Nous ferons en sorte qu’elles puissent également jouer de plus en plus un rôle économique plein, en tant qu’employées salariées ou en tant que créatrices de leurs propres activités, un rôle dans la gestion des affaires publiques et un rôle dans la politique.

Comment allons-nous aider les femmes à mieux jouer leur rôle de mères et d’éducatrices ?

Dès le plus jeune âge, notre système éducatif devra prendre en compte le besoin de former les futures mères de famille. Toutes munies d’une éducation générale de base, elles auront la capacité d’inculquer à leurs enfants les valeurs essentielles de notre société. Elles auront également appris à maîtriser le nombre d’enfants qu’elles auront.

Dans le cadre de la réhabilitation de notre système de santé, nous accorderons une attention toute particulière au bon fonctionnement de la protection maternelle et infantile, pour qu’elle soit plus proche des mères et plus efficace, et des campagnes de vaccination.

L’instauration de l’enseignement obligatoire et gratuit pour les couches sociales les plus défavorisées soulagera les mères de famille et leur per¬mettra de se consacrer à leurs plus jeunes enfants ou à leurs activités rémunératrices.

Comment allons-nous aider les ménagères à mieux boucler leurs budgets ?

Les femmes sont très souvent des ménagères, qui ont à boucler chaque mois le budget du foyer, à « joindre les deux bouts ». Elles connaissent la qualité et le prix de chaque produit bien mieux que leurs maris.

Elles choisissent les meilleurs aliments pour leurs enfants, elles les soignent et les éduquent au quotidien, autant de gestes simples et répétés sans les¬quels les générations ne se renouvelleraient pas, ne progresseraient pas.

Concrètement :
– Nous remettrons à plat la fiscalité (droits de douane et fiscalité intérieure) sur les produits et services de base, ceux dont toute la population a besoin au quotidien : denrées alimentaires, habillement, construction de logements, eau, électricité… En concertation avec les autres pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (notamment pour ce qui concerne les droits de douane), et sans prendre le risque de décourager la production nationale de ces biens de consommation, nous réduirons les taxes qui les grèvent.

– La Côte d’lvoire a opté, et nous confirmerons fortement cette option, pour une économie libérale, de loin la plus efficace ; nous ne réglemen¬terons donc pas les prix. Par contre, nous combattrons l’inflation par une gestion rigoureuse de l’économie et nous contrôlerons régulièrement le libre jeu de la concurrence entre les acteurs économiques de manière à éviter que ne se pérennisent ou ne se créent des situations de rente (un petit nombre d’opérateurs économiques imposant leurs prix sur tel ou tel segment du marché).

– Enfin nous agirons dans le sens d’une intégration économique rapide des pays de l’Afrique de l’Ouest, synonyme à terme d’une plus grande efficacité économique d’ensemble et donc de baisse des prix.

Parallèlement, nous inciterons les ménagères à consommer ivoirien (ou Ouest Africain). Elles ne devront pas acheter plus cher pour autant ni mettre de côté leurs exigences légitimes de qualité. A prix et qualité équivalents, elles comprendront où se trouve l’intérêt de la collectivité. Par leur comportement de consommatrices, elles seront les moteurs de la promotion des produits ivoiriens en général, de l’autosuffisance ali¬mentaire en particulier.

Enfin, comment allons-nous nous y prendre pour que les femmes jouent rapidement ce rôle accru dans notre économie, dans notre société et dans la vie politique de notre pays ?

Certains pays, souvent plus développés que le nôtre, chez qui l’évolu¬tion est considérée beaucoup trop lente, optent pour des solutions de quotas (par exemple, pas moins de 50 % de candidates à des élections dans chaque parti, pas moins de 50 % de femmes aux postes à res¬ponsabilité dans les entreprises ou les administrations…). Ces solutions sont apparemment contraires au principe de non-discrimination qui nous est cher mais, parce qu’elles sont employées au service d’une cause essentielle, nous en sommes partisans, du moins pour une cer-taine durée. Nous lancerons une large campagne de sensibilisation et de communication sur cette question, nous écouterons, nous dialoguerons, nous imaginerons les moyens de surmonter les obstacles, notamment culturels. Au terme de ce processus, nous mettrons donc rapidement en chantier la révision de la Constitution et proposerons à la nouvelle Assemblée Nationale un projet de loi dans le sens de la parité systématique hommes / femmes dans la vie politique et aux postes à responsabilité dans les administrations, charge ensuite au secteur privé de s’inspirer de ces nou¬velles dispositions pour son propre compte.
XI.Modernisons le monde rural

Les paysans ont fait et continuent à faire une grande partie de la riches¬se de notre pays. Ils ont régulièrement souffert et souffrent aujourd’hui encore de cours internationaux d’achat de leurs produits excessivement bas. Bien qu’ils aient été de tous les Ivoiriens les plus exposés aux risques de variation de leurs revenus, ce sont eux qui ont le plus contri¬bué au développement du pays par les droits de sortie et les excédents de stabilisation prélevés sur la vente de leur production.

Nous avons en conséquence des devoirs vis-à-vis des producteurs agri¬coles, celui de leur être reconnaissants et celui de les aider.

Comment les aiderons-nous ?

Nous reverrons la fiscalité qui pèse sur les revenus des agriculteurs

Les producteurs agricoles supportent une fiscalité trop lourde. Sur les intrants importés, ils paient des droits de douane dont les taux sont fixés par l’Union Economique Ouest Africaine (UEMOA). Plutôt que de pous¬ser à une révision de ces taux communautaires, nous baisserons les taux des droits à l’exportation qui nous sont propres, de manière à ce que les impôts et taxes payés par les producteurs agricoles ne dépassent jamais 15 % des revenus nets générés dans les différentes filières (à décliner de manière pratique dans les filières café, cacao, coton, banane, ananas, huile de palme, hévéa). Dans la filière essen-tielle du cacao, nous procéderons à un réduction progressive des droits uniques de sortie, afin qu’ils ne dépassent pas 25% du coût international.

Nous nous battrons également pour obtenir des cours plus rému¬nérateurs, en œuvrant pour une meilleure organisation de l’ensemble des pays producteurs de nos principales denrées d’exportation. Nous pèserons pour cela de tout notre poids et ferons jouer tous nos réseaux. Sans nous attendre à des miracles, du moins à court terme, nous pouvons et nous devons nous atteler à agir sur ces marchés. Mais nous devons aussi savoir nous adapter aux réalités du moment.

Nous mettrons de l’ordre dans la filière. Nous parviendrons rapidement à réduire les prélèvements de toutes natures dans les parties aval des filières. Les acteurs qui jouent un rôle effectif (acheteurs, transporteurs terrestres et maritimes…) devront percevoir une juste rémunération de leur travail mais plus aucun autre intermédiaire ne pourra confisquer une quelconque partie de la rémunération nette qui revient de droit aux produc¬teurs. Pour cela, nous aiderons, techniquement et financièrement, les paysans à défendre leurs intérêts eux-mêmes en se regroupant, en s’or¬ganisant pour intervenir le plus loin possible en aval dans les filières, dans toutes les opérations logistiques et commerciales. L’Etat n’impo-sera rien, il sera là pour appuyer les initiatives de regroupements coopé¬ratifs de toutes natures. Il mettra à disposition les médias nationaux (radio et télévision) pour permettre une information en temps réel des producteurs sur les données-clefs des marchés, des produits d’expor¬tation comme des produits vivriers, et assurera un bon entretien de l’ensemble des routes et pistes rurales pour en faciliter l’évacuation.

Nous améliorerons les conditions de vie des populations rurales. L’Etat prendra mieux en charge leurs besoins élémentaires dans les domaines de l’éducation (l’enseignement gratuit jusqu’à 15 ans) et de la santé (les soins de santé gratuits pour les plus démunis). L’Etat amélio¬rera le cadre de vie dans les zones rurales : l’eau potable collective gratuite pour tous, des pistes viables en toutes saisons et reprofi-lées régulièrement pour accéder à tous les villages du pays, l’extension de l’électrification rurale… Ainsi, même si leurs revenus continuent à fluctuer, les populations rurales vivront mieux. Chaque année,
nous procéderons à la mesure objective de ces améliorations sur le terrain afin de corriger les inévitables imperfections.

Nous ferons évoluer le droit foncier rural

Le moment est venu de commencer à faire évoluer le droit foncier dans les zones rurales. Nous le ferons progressivement, mais avec détermi¬nation, sans opposer le droit moderne, vers lequel nous irons, au droit coutumier qui prévaut encore le plus souvent aujourd’hui. A terme, nous avons en effet besoin d’un droit foncier qui sécurise les exploi¬tants et qui leur permette, forts du capital que représente leurs terres, d’accéder aux prêts bancaires nécessaires à la modernisation et au développement de leurs activités.

Pour cela, nous créerons des offices fonciers régionaux, détenus conjoin¬tement par les collectivités territoriales et l’Etat, dont la fonction sera, dans le sens tracé par les projets antérieurs (Plan Foncier Rural), d’ache¬ver le recensement des terres agricoles, de détecter celles qui ne sont pas mises en valeur (y compris celles que détiendraient encore l’Etat et ses démembrements), et d’organiser au mieux leur « recyclage » en :
– négociant avec les propriétaires coutumiers la purge des droits coutumiers ; rien ne se fera donc sans leur accord,

– attribuant les terres, sur la base de contrats modernes et durables, à des bénéficiaires correspondant à des critères établis par l’Etat (par exemple, les jeunes déscolarisés).

Ces bénéficiaires auront à payer :

– une taxe foncière annuelle d’un niveau très modéré (de l’ordre de 2 % du revenu net moyen qui pourra être tiré de l’exploitation de la terre en question),

– et, pendant une durée de 10 ans, une redevance d’usage de la terre permettant à l’office foncier régional d’amortir les frais inhérents à la purge des droits coutumiers ; à l’issue de cette période de 10 ans, l’at¬tributaire aura fait la preuve de sa capacité à mettre sa terre en valeur, il en deviendra définitivement propriétaire et pourra sans aucun frais soit la vendre à un tiers, soit la céder à ses enfants.

Ces bénéficiaires auront à payer :
– une taxe foncière annuelle d’un niveau très modéré (de l’ordre de 2 % du revenu net moyen qui pourra être tiré de l’exploitation de la terre en question),

– et, pendant une durée de 10 ans, une redevance d’usage de la terre permettant à l’office foncier régional d’amortir les frais inhérents à la purge des droits coutumiers ; à l’issue de cette période de 10 ans, l’at¬tributaire aura fait la preuve de sa capacité à mettre sa terre en valeur, il en deviendra définitivement propriétaire et pourra sans aucun frais soit la vendre à un tiers, soit la céder à ses enfants.

Très progressivement, le foncier rural passera ainsi du domaine du droit coutumier à celui d’un droit foncier moderne, dont nous aurons à définir les contours précis en concertation avec tous les partenaires concernés. Un marché foncier naîtra, favorisant la mise en valeur des terres agri¬coles existantes et dissuadant à l’inverse la colonisation des forêts et autres espaces naturels. La perception d’une taxe foncière incitera à l’intensification de l’agriculture.

La gestion quotidienne des offices fonciers régionaux sera confiée à des opérateurs privés, sous le contrôle de conseils de surveillance compo¬sés de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales concernées et des chefferies traditionnelles. L’équilibre financier des opérations des offices fonciers sera recherchée entre les produits des redevances d’usage d’une part, les frais de purge des droits coutumiers et les coûts de structure d’autre part. Le rôle de l’Etat se limitera à fixer le cadre légis-latif et réglementaire, les critères de sélection des bénéficiaires (en concertation avec les autres membres des conseils de surveillance) et à mettre en place les fonds de roulement nécessaires.

Nous favoriserons la mise en place de systèmes performants de finan¬cement de l’agriculture

Nous aurons également à résoudre la question encore pendante du financement du secteur de l’agriculture. Les besoins non pourvus sont importants, au niveau des petits producteurs ou même des coopératives dont la surface financière est encore faible. Là encore, nous privilégierons la concertation, d’une part, avec les producteurs et leurs associations, qui sont les seuls à pouvoir mettre en place les mécanismes de mutualisation des risques qui en feront collectivement des clients solvables du système bancaire, d’autre part avec les banques de la place, qui dispo¬sent déjà d’une grande expérience du monde rural, de réseaux

d’agences denses et de personnels dirigeants, cadres et employés, à la fois compétents et prêts à s’investir dans de nouvelles missions au service du développement d’une agriculture moderne dans notre pays. C’est sur ces banques privées que nous nous appuierons, celles qui existent aujourd’hui comme celles dont nous encouragerons la création. Outre celui d’organiser la concertation que nous évoquions, le rôle de l’Etat sera de faciliter l’acquisition de nouveaux savoir-faire, du côté des producteurs comme du côté des banques, et de mettre à disposition de ces dernières, si cela représente une difficulté pour elles, les lignes de crédit nécessaires. L’Etat fixera dans ce cas des critères souples d’éligi-bilité des clients et des projets dont le développement pourra être soutenu. L’Etat aidera également à la constitution de fonds de garantie (1 Franc mis en place par une organisation professionnelle agricole, 1 Franc mis en place par l’Etat).
XII.Améliorons notre cadre de vie

Nous évoquions précédemment la nécessité de mieux équiper nos vil¬lages pour y rendre la vie plus facile et plus agréable, pour y rendre plus proches les services d’éducation et de santé. Ces objectifs sont égale¬ment les nôtres dans les villes dont un développement trop déséquilibré ferait peser à moyen terme une vraie menace sur notre société. Nos organisations communautaires traditionnelles doivent nous aider à maî¬triser les risques de dérives.

Dans les villes comme dans les campagnes, donner des emplois à tous, c’est bien sûr essentiel. Mais pensons également à améliorer notre cadre de vie. Les deux objectifs, loin d’être antagonistes, peuvent être tout à fait complémentaires.

Assurons la sécurité des biens et des personnes :

Les Ivoiriennes et les Ivoiriens aspirent à un retour rapide à une situation normale en matière de sécurité des biens et des personnes. Il condi¬tionne également les décisions des investisseurs. Notre bien-être quoti-dien et la santé de notre économie en dépendent donc largement.

Nous mobiliserons dans ce sens un triple dispositif :
– Nos forces de l’ordre continueront à agir sur le terrain. Elles appréhen¬deront les malfaiteurs et les délinquants dans le respect des lois et des droits ; leur action, toujours plus proche des populations et des biens à protéger visera également à dissuader. L’organisation de la police et de la gendarmerie sera revue en conséquence et des moyens plus perfor¬mants leur seront affectés dans le cadre de la nécessaire réflexion sur le rôle de notre année en temps de paix. Nous demanderons, si nécessaire à certains de ses éléments dont ce n’est pas a priori la vocation de prêter main forte,

– Notre justice traitera rapidement les dossiers de ce type et sanctionnera tous les actes que notre droit a prévu, avec toute la rigueur et la sécurité nécessaires ; nous demanderons néanmoins à nos juges de prendre en compte le souci de réinsérer les délinquants dans la société. – Enfin, nous déploierons un dispositif social qui nous permettra de pré¬venir la délinquance (l’école obligatoire pour tous nos enfants jusqu’à l’âge de 15 ans, une formation professionnelle pour tous, des emplois et des activités pour un maximum de jeunes), de réinsérer les primo-délin¬quants et de minimiser les risques de récidive ; notre société, faite de trop d’inégalités et d’injustices, est en effet en partie responsable, et nous avons tous ensemble le devoir de remettre dans le droit chemin tous ces laissés-pour-compte ; notre Armée elle-même, en dirigeant des périodes de service militaire ou civique que pourraient effectuer de jeunes délinquants légers à la place de peines de prison, jouera un rôle important dans cette entreprise de réinsertion.

Embellissons nos villes :

Nos villages sont de plus en plus souvent propres et beaux. Le mérite en revient essentiellement à nos mères et à nos sœurs, à l’organisation collective qu’elles ont su mettre en place. Même sous-équipés, nos vil¬lages sont accueillants et agréables à vivre, ils font notre fierté. Alors bien sûr nous devons mieux équiper nos villages, amener l’eau potable et l’électricité quand elles manquent, développer l’école et les centres de santé, mais veiller aussi à conserver cette organisation sociale propre à notre continent, à renforcer ces traditions de propreté.

A l’inverse, parce que nous n’avons pas su y répliquer ces organisations villageoises, parce que nous n’avons pas su mettre en place ni financer durablement des organisations modernes de substitution, nos villes sont sales. Pour qu’elles soient propres, nous y sommes parvenus à certains moments, il nous a fallu dépenser beaucoup, parce que nos comporte¬ments individuels et collectifs étaient faits d’indifférence, de sentiment d’impuissance et de manque de confiance en nos capacités.

Nous devons agir ensemble. Nous devons organiser en conséquence.

Et nous mobiliser et prouver que nous savons retrouver confiance en nous et efficacité. Pour cela , nous souhaitons :
– Réaffirmer avec force le rôle des communautés, en l’occurrence celui des communes : à elles de prendre en charge, à elles de mobiliser les énergies et les volontés,

– Déléguer aux communes les ressources financières minimales néces¬saires et leur affecter des moyens humains et matériels publics qui ne seraient pas pleinement employés ; demander à notre armée de se mobiliser au service de la cause de la propreté de nos villes.

– Nous mobiliser tous, prendre chacun en charge une petite partie de notre cour commune et nettoyer pour embellir ensemble notre cadre de vie.

– Retrouver ainsi des conditions de vie plus saines et plus agréables.

Menons une véritable politique d’habitat social.

La qualité de notre cadre de vie c’est aussi la qualité de notre habitat. Beaucoup reste à faire pour permettre à chaque famille d’accéder à la propriété d’un logement décent. Nous disposons pourtant d’atouts considérables :

Des professionnels de la construction dynamiques et compétents, des promoteurs prêts à prendre des initiatives, des banques au fait des réalités de ce secteur.

L’organisation actuelle a néanmoins atteint ses limites en ce sens qu’elle ne profite en fait qu’aux couches les plus favorisées.

Que faire concrètement dans le domaine de l’habitation ?
– Nous inviterons les opérateurs privés à concevoir des nouveaux produits plus évolutifs et moins coûteux, qu’il s’agisse de parcelles aménagées ou de logements,

– Nous réduirons la fiscalité applicable aux produits les plus sociaux,

– Nous inciterons les familles modestes désirant accéder à la propriété

de leurs logements à s’associer, en assemblant leurs épargnes et en mutualisant les risques. Ils seront mieux considérés par les banques.
– Nous demanderons aux employeurs de s’impliquer davantage dans le montage de projets collectifs solides pour leurs salariés et leurs familles ; nous les y inciterons par des mesures appropriées dont nous discuterons ensemble le contenu précis.

– Nous mettrons à disposition des banques les ressources financières adaptées, en volume et en coût, qu’elles prêteront à des taux d’intérêt réduits, aux familles bénéficiaires répondant aux critères de choix que nous aurons définis. En dessous d’un certain seuil de revenu, nous nous emploierons à ce que les taux d’intérêt soient nuls.

– Enfin, nous encouragerons la construction d’un habitat locatif moderne et bon marché.

Modernisons nos transports urbains :

La qualité de la vie quotidienne des Ivoiriennes et des Ivoiriens, pour ceux qui résident et travaillent dans nos grandes villes, c’est aussi la qualité des transports collectifs qui ont pour effet de rendre souvent très pénibles ou trop coûteux les déplacements de tous les jours.

Des autobus inconfortables et surchargés, aux horaires irréguliers, des taxis collectifs peu sûrs rendent un service de bien piètre qualité aux Abidjanais. Les voieries sont dangereuses pour les deux roues ; beaucoup ont préféré consacrer une part importante de leur budget, souvent exces¬sive, à l’acquisition et à l’entretien d’une automobile ; s’est ainsi dévelop¬pé un parc important d’automobiles peu sûres et polluantes ; les parties les plus sensibles du réseau routier abidjanais, qui n’a fait que se dégra¬der depuis six ans, sont souvent saturées, provoquant des pertes de temps et dégradant de plus en plus la qualité de l’air que nous respirons.

Nous devons renverser cette tendance de façon énergique et déterminée.

Comment ?
– Développons des systèmes de transports collectifs performants. Privatisons la SOTRA et complétons les services qu ‘elle offre par un service ferroviaire utilisant les infrastructures dont nous disposons, aménagées en conséquence. Étudions rapidement comment nous pourrions développer et financer de tels systèmes dans nos grandes villes de l’intérieur.

– Rénovons nos infrastructures routières et reprenons leur développement quand la nécessité en devient impérieuse, notamment pour améliorer l’ac¬cès des quartiers excentrés qui ont connu un développement rapide.

– Appliquons plus strictement nos normes de sécurité et de pollution.

– Favorisons le développement des transports 2 roues ; la construction de voies dédiées aux 2 roues peut fortement contribuer à rendre ce mode de transport plus sûr et plus attractif.

– Limitons les contrôles routiers strictement à ceux qu’exigé le maintien de la sécurité.

XIII- Encourageons les chefs d’entreprise et les investisseurs

Au tout premier rang de nos priorités figure la nécessité de faciliter les initia¬tives et les démarches des chefs d’entreprise et des investisseurs. Leur obli-gation résidera en contrepartie dans l’acquittement régulier de leurs impôts. Mais surtout leur devoir moral, leur devoir d’entrepreneurs citoyens, sera de développer des activités nouvelles et de créer des emplois.

Nous avons besoin d’investisseurs, nationaux mais aussi étrangers. Ne nous voilons pas la face. Nous avons besoin des savoir-faire et des capi¬taux des investisseurs étrangers. C’est aussi à leur contact que nous développons nos propres capacités. Les investisseurs ont de multiples opportunités ailleurs dans le monde pour s’implanter. Nous pouvons comprendre leurs critères de choix, ils sont très simples, mais nous ne pouvons pas les changer. Acceptons-le, satisfaisons à nouveau ces cri¬tères, comportons-nous à nouveau en pays moderne, reconstituons un Etat efficace, transparent, en qui les investisseurs puissent avoir confian¬ce, à court et à long terme. Redevenons « fréquentables » et les investis¬seurs reviendront en grand nombre.

Nous les encouragerons à prendre des initiatives :
– en renforçant la sécurité des biens et des personnes, souci légitime de leur part et par ailleurs aspiration première de l’ensemble de la Nation,

– en assurant la sécurité des investissements par une application rigou¬reuse et équitable du droit,

– en simplifiant les réglementations devenues excessivement lourdes et propices au développement de la fraude et de la corruption,

– en remettant à plat et en allégeant, de manière progressive et sélective, la fiscalité,

– en maintenant les protections adéquates de l’économie ivoirienne, en concertation avec nos partenaires internationaux ; exposer sans mesure les entreprises ivoiriennes à la concurrence internationale n’est en effet pas une fin en soi ; il faudra cependant aller toujours vers plus de compétitivité.

De tout cela nous discuterons très régulièrement avec le souci commun de développer toujours davantage les activités et les emplois.

L’Etat continuera à se désengager des activités productives et vendra les participations qu’il détient dans certaines entreprises publiques. L’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest que nous stimulerons ouvrira aux entreprises ivoiriennes des perspectives importantes d’ex¬tension de leurs marchés.

Nous demanderons au secteur privé de s’impliquer de plus en plus fortement :
– dans la reconception et la gestion opérationnelle des systèmes de for¬mation professionnelle (formations qualifiantes post-scolaires, formation continue),

– dans la définition des priorités pour les investissements de l’Etat et les réformes qu’il entreprend dans les secteurs qui ont une implication forte sur la compétitivité du secteur privé ivoirien,

– dans la mise en place des voies et moyens pour faciliter le recouvrement des recettes douanières et fiscales.

Nous ferons en sorte que les investissements de l’Etat viennent com¬pléter, voire susciter, les investissements du secteur privé. Nous arrête¬rons notre politique d’investissement public en concertation étroite avec les milieux économiques. Prenons trois exemples :
– le pays dispose de ressources minières importantes (du nickel près de SIPILOU, du fer près du Mont NIMBA…) ; aucun des projets de mise en valeur de ces gisements n’a pu jusqu’à aujourd’hui voir le jour, sans doute en grande partie à cause de la difficulté d’approvisionner les intrants et d’évacuer les productions ; si aucun projet ne permet à lui seul de rentabiliser la réalisation d’une ligne de chemin de fer jusqu’au port de SAN PEDRO, sans doute plusieurs projets de la même nature considérés globalement pourraient-ils justifier une telle décision ; il est clairement du ressort de l’Etat dans un tel contexte d’organiser la concertation entre les différents opérateurs concernés, il peut même être de son devoir d’investir dans la réalisation de la ligne de chemin de fer, après s’être assuré de l’intérêt d’ensemble d’une telle opération pour la collectivité nationale ; il est également de sa responsabilité d’intéresser nos frères guinéens, qui disposent à proximité de gisements similaires, à un tel projet, dans un cadre communautaire respectant tous les intérêts en présence ;

– le pays dispose également d’importantes réserves de gaz naturel à partir duquel, les projets que nous avons initiés l’ont démontré, peut être produit de l’électricité à moindre coût, dans le cadre de contrats de concession, sans que l’Etat ait à investir ; nous pourrions ainsi produire davantage d’électricité et en vendre aux pays frères voisins, pour autant que nous terminions l’interconnexion de nos réseaux électriques ; nous pouvons tous être gagnants. Quel plus beau symbole trouver de notre solidarité communautaire croissante ? Notre gaz naturel pourra égale¬ment servir de matière première à la fabrication d’engrais. Le niveau actuel de compétitivité de notre économie (depuis la dévaluation de Janvier 1994), l’existence d’un marché communautaire ouest africain plus large que notre seul marché national, les mesures que nous pren¬drons pour inciter à une intensification de l’agriculture et le faible coût de production du gaz naturel permettront sans doute à court terme de rendre viable l’implantation d’une telle industrie. La Côte-d’Ivoire, l’Afrique de l’Ouest tout entière, consommera ses propres engrais ;

– le pays dispose enfin, sur l’ensemble de son littoral, de sites remar¬quables pour le développement d’activités touristiques balnéaires ; appelons les grands opérateurs mondiaux du tourisme, montrons leur ces sites, montrons leur clairement nos atouts (nos infrastructures, la qualification de notre main-d’œuvre, notre patrimoine culturel…), renforçons ces atouts si cela s’avère nécessaire (par exemple, transformons l’aéroport de SAN PEDRO en aéroport international, bitumons les routes d’accès à ces sites…).

Bien sûr, disons leur aussi nos exigences en matière de préservation de nos paysages et de nos ressources naturelles, mais laissons-les conce¬voir librement les nouveaux produits touristiques qu’ils sauront vendre sur le marché mondial, qu’il connaissent et peuvent orienter plus facile¬ment ; nous développerons ainsi de nouvelles activités, nous créerons des emplois, nous ferons entrer des devises et nous ferons connaître et apprécier notre beau pays.

De manière plus classique, il nous faudra investir dans les secteurs traditionnels d’appui au développement des activités du secteur privé, dans celui des transports notamment. Nous irons plus loin dans le domaine de l’entretien routier, en confiant pour plusieurs années consé¬cutives l’entretien des routes et des pistes rurales d’une même région à une même entreprise privée. Nous devrons procéder à d’importants travaux de rénovation du réseau routier revêtu, en particulier des axes ABIDJAN – YAMOUSSOUKRO vers BOUAKE et KORHOGO d’une part, DALOA et MAN d’autre part. Nous mettrons également l’accent sur la réa¬lisation de ponts, qu’il s’agisse de maillons manquants importants du réseau routier, tels que le pont sur la lagune EBRIE permettant l’accès à JACQUEVILLE, ou des multiples petits ponts modernes dont le réseau secondaire a encore aujourd’hui cruellement besoin. Pour améliorer les transports dans l’agglomération d’ABIDJAN, nous entamerons la réali-sation du 3e pont entre RIVERA et MARCORY dont nous avions lancé l’idée et nous renforcerons le système de transport collectif, notamment par la mise en place d’un service de train urbain. La SOTRA sera priva¬tisée. Nous étudierons la possibilité de mettre en place des services de transport collectif dans les principales villes de l’intérieur.
XIV- Devenons le moteur de l’intégration de l’Afrique de l’Ouest

L’intégration monétaire des pays de la Zone Franc, considérée à travers le monde comme un modèle de réussite, a permis la création d’une monnaie unique stable, accrochée à l’une des monnaies mondiales les plus fortes et qui a résisté à l’épreuve de la dévaluation de 1994. Dans le prolongement direct de l’intégration monétaire, l’intégration écono¬mique des pays de l’Afrique de l’Ouest (abolition des barrières de toutes natures entre les pays, création d’un grand marché unique, organisation des complémentarités entre les ressources et les savoir-faire des diffé¬rents pays) se présente comme une grande chance pour la Côte-d’Ivoire.

Pourquoi l’intégration ? Quels bénéfices concrets pourrons-nous en retirer tous ensemble ?
– Nous profiterons de l’extension des marchés de nos industries (agro¬alimentaires, biens de consommation), souvent plus compétitives que les industries des autres pays, donc de la création de nouveaux emplois dans ces secteurs.

– Nous profiterons de la réduction des prix de certaines denrées et de certains biens que la Côte-d’Ivoire devra continuer à importer et que les pays voisins peuvent produire à moindre coût.

– Le développement accéléré des pays voisins stabilisera leurs popula¬tions et constituera ainsi un facteur important de réduction de la pres¬sion migratoire : la Côte d’lvoire pourrait sans cela connaître des diffi¬cultés à absorber de nouveaux flux migratoires.

Nous pèserons de tout notre poids et nous mettrons à contribution toute notre expérience pour conduire le pays vers cette intégration écono¬mique. Ce sera essentiel pour la prospérité de la Côte d’lvoire et sa place dans la sous-région. Nous lui redonnerons ainsi le statut en Afrique et dans le monde qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
XV- Décidons d’une politique de l’immigration humaniste et pragmatique

Il nous faut maintenant évoquer une question difficile, celle de l’accueil que nous réservons et que nous entendons réserver dans l’avenir à nos frères non-nationaux, et notamment à nos frères ressortissants des pays voisins.

D’autres avant nous ont lancé un débat sur ce sujet, en l’abordant sous l’angle le plus néfaste, celui de l’intolérance et de la xénophobie, com¬mençant à emprunter des chemins concrètement impraticables.

Ce débat nous ronge, il est devenu passionnel, il est dans beaucoup d’esprits, nous ne pouvons plus l’occulter. Alors, dans le calme, allons jusqu’au bout de ce débat, mais cette fois sous l’angle de la tolérance, de la fraternité africaine et du réalisme. Autant de valeurs de base que nous a enseignées le Président Houphouët-Boigny et que nous devons réapprendre.

Nous avons en fait à traiter en profondeur deux questions :
– la première est celle de l’accueil que nous entendons continuer d’offrir à nos frères des pays voisins déjà implantés en Côte-d’Ivoire ; ils sont là, notre économie a besoin d’eux, ils sont déjà chez eux chez nous, leurs enfants épousent nos enfants, ils sont intégrés ou en voie de l’être. Faisons le choix de continuer à les intégrer, c’est la voie du réalis¬me et c’est la voie de l’humanisme.

– la seconde question est celle de l’accueil que nous entendons réserver à nos frères des pays voisins qui voudraient comme leurs aînés s’im-planter en Côte-d’Ivoire. Là, il y a matière à un vrai débat. Devons-nous continuer à leur exprimer notre solidarité en les accueillant comme nous avons toujours fait ? N’allons-nous pas nous rapprocher de certaines limites : celles de nos ressources, celles des emplois que peut créer notre économie et celles d’une extension trop rapide et mal maîtrisée de nos villes ? Ces questions-là sont des questions fondamentales. Elles nous interpellent. Il est de notre devoir d’y répondre.

Réfléchissons tous ensemble, dans la sérénité retrouvée, en nous lais¬sant le temps nécessaire. Nous pouvons, si nous le décidons, maîtriser les flux migratoires, restreindre l’ouverture de nos frontières. D’autres pays le font. Nous le ferons d’autant plus efficacement que la xénopho¬bie aura disparu de nos raisonnements et de nos comportements.

Sur cette question de l’immigration, nous organiserons également un grand débat national. Nous parlerons simultanément avec les respon¬sables des pays voisins.

Quand nous aurons trouvé des formules pragmatiques sur les critères de naturalisation des frères installés sur notre territoire, sur les critères de sélection des nouveaux migrants autorisés à s’y installer, sur la manière de bien en contrôler l’application, nous aurons retrouvé la sérénité et nous pourrons vivre en harmonie, en paix.

Alors, nous pourrons soumettre au suffrage universel direct, par un référendum, les propositions qui découleront naturellement de ce grand débat.

Toujours au chapitre de nos relations avec l’extérieur :
– nous devrons protéger nos cultures africaines des risques d’invasion des produits occidentaux et promouvoir nos créations propres,

– nous nous doterons des compétences nécessaires pour faire avancer les discussions avec les grands groupes privés internationaux ou les bailleurs de fonds, sur un pied d’égalité. Ainsi, nous définirons nous-mêmes nos objectifs économiques et sociaux que nous atteindrons au travers d’une gestion rigoureuse. C’est la bonne gouvernance telle que nous l’entendons.

By AGM News

Fondé par le brillant et indépendant Journaliste ivoirien TOURÉ Vakaba courant 2016, Agmnews.info est un journal en ligne agissant dans la collecte et la fourniture d'informations de première main. Avec sa ligne éditoriale généraliste, le comité de rédaction donne la priorité à l'actualité africaine et malgache. Tout en prenant ses distances avec les clivages politiques, ethniques et sociologiques, AGM News reste irréversiblement indépendant.

Laisser un commentaire