INFOGRAPHIE – Après avoir longtemps hésité, la démocrate Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, a décidé d’entamer la procédure de destitution contre le président.
La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a annoncé mardi l’ouverture d’une procédure de destitution contre Donald Trump. Le président américain est accusé d’avoir cherché l’aide du président ukrainien Volodymyr Zelensky pour nuire à la campagne de Joe Biden, ancien vice-président d’Obama, et l’un des favoris des primaires démocrates pour la prochaine élection présidentielle américaine.
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«Les actes commis pendant la présidence Trump ont révélé une trahison déshonorante par le président de son propre serment, de la sécurité de notre pays et de la validité de nos élections», a déclaré Pelosi en annonçant l’ouverture de la procédure. Trump a d’abord nié, avant de finalement reconnaître avoir évoqué le nom de Biden au cours de ces conversations. Mais il continue de soutenir qu’il n’a rien dit d’illégal ou d’inapproprié.
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Pour tenter de désamorcer la crise et de mettre fin aux spéculations, la Maison-Blanche a rendu publique hier la transcription de l’appel du 25 juillet entre les deux présidents. Dans cette conversation téléphonique longue d’environ trente minutes, Trump commence par féliciter Zelensky pour sa victoire aux élections ; l’ancien comique se répand à son tour en remerciements à l’égard de Trump et l’assure qu’il lui a «servi d’exemple». Trump rappelle ensuite avec insistance tout ce que les États-Unis font pour l’Ukraine, à la différence des Européens, qui, dit-il, comme Macron ou Merkel, «ne font que parler». Puis Trump entre dans le vif du sujet et demande à Zelensky «de lui rendre un service». «Notre pays a traversé beaucoup d’épreuves, et l’Ukraine en sait beaucoup à ce sujet, dit Trump.
J’aimerais que vous découvriez ce qui s’est passé et toute cette histoire avec l’Ukraine, ils parlent de Crowdstrike…» La société américaine Crowdstrike avait été chargée d’enquêter sur l’intrusion informatique dans les systèmes du Comité national démocrate pendant la campagne présidentielle de 2016, et avait désigné les coupables comme étant liés à la Russie.
«Le serveur, ils disent que c’est l’Ukraine qui l’a, continue Trump. J’aimerais que notre procureur général puisse vous appeler et tirer ça au clair.»
Trump aborde ensuite le cas du fils de Joe Biden, Hunter, qui fut, entre 2014 et 2019, membre du conseil d’administration de la société gazière ukrainienne Burisma. Une enquête pour corruption ouverte par le procureur ukrainien s’était intéressée à cette société avant d’être abandonnée en 2016. Le procureur Viktor Shokin avait été destitué peu après, décision que les adversaires de Joe Biden, alors vice-président américain, l’accusent d’avoir discrètement soutenu.
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«On parle beaucoup du fils de Biden, de l’intervention de Biden pour arrêter l’enquête et beaucoup de gens voudraient savoir de quoi il retourne, donc tout ce que vous pourrez faire avec le procureur général serait formidable», continue Trump. Biden s’est vanté d’avoir mis fin à l’enquête, donc si vous pouvez jeter un œil là-dessus… Je trouve vraiment ça horrible.» Zelensky répond à Trump que «depuis que nous avons gagné la majorité au parlement, le prochain procureur général sera à moi à 100 % Il ou elle regardera la situation, particulièrement la société que vous mentionnez». «Merci, lui dit Trump, je vais dire à Rudy (Giuliani) et au procureur général Barr de vous appeler. Et quand vous voulez venir à la Maison-Blanche, n’hésitez pas à appeler.»
«Harcèlement présidentiel»
Nancy Pelosi s’était, jusqu’à présent, montrée réticente à déclencher une procédure de destitution contre Trump, que réclamait, quasiment depuis l’élection de 2016, l’aile radicale du Parti démocrate. La possibilité que le président des États-Unis ait pu demander de l’aide à un chef d’État étranger pour interférer avec l’élection présidentielle américaine semble avoir convaincu bon nombre d’élus démocrates de se rallier à la procédure. Trump a réagi à cette annonce en qualifiant cette décision de «harcèlement présidentiel». «Il n’y a jamais eu un seul président dans ce pays qui a été aussi mal traité que moi. Les démocrates sont figés par la haine et la peur. Ils n’arrivent à rien. Il ne devrait pas être permis que cela arrive à un autre président. Chasse aux sorcières», a écrit Trump sur son compte Twitter.
Aucun des sénateurs, en majorité républicains, n’a jusqu’à présent manifesté la moindre intention de destituer Trump, et la procédure n’a, à ce stade, guère de chances d’aboutir
Les propos de Trump semblent confirmer au moins en partie les soupçons. Reste à savoir s’ils suffiront à convaincre le Sénat, majoritairement républicain, de destituer le président. La constitution américaine prévoit une procédure de destitution du président en cas de «trahison, corruption, ou crimes et délits graves». Si son déroulement a toutes les apparences d’une procédure judiciaire, elle est en fait un acte éminemment politique. Pelosi a annoncé avoir le soutien de 179 élus à la Chambre des représentants. Elle devrait parvenir à réunir les 218 voix nécessaires pour voter la destitution, ce qui équivaut à traduire le président devant un tribunal. Ce tribunal est constitué par le Sénat, qui doit voter aux deux tiers pour rendre la destitution effective.
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Or aucun des sénateurs, en majorité républicains, n’a jusqu’à présent manifesté la moindre intention de destituer Trump, et la procédure n’a, à ce stade, guère de chances d’aboutir. C’est ce qui s’était produit les deux précédentes fois où la mesure avait été employée. Après avoir fait l’objet d’une procédure de destitution votée par la Chambre des représentants, le président Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1996, avaient été acquittés par le Sénat. Richard Nixon avait quant à lui préféré démissionner avant le vote en 1974. Le lancement de cette procédure très grave peut aussi nuire aux démocrates. Outre l’implication de Biden dans des affaires ukrainiennes peu claires, le processus peut aussi faire apparaître Trump comme une victime aux yeux du public. Lors de la tentative de destitution de Clinton, ce dernier était apparu comme la victime d’une cabale orchestrée par ses adversaires politiques. Acquitté par le Sénat, il avait remporté, contre toute attente, les élections législatives de mi-mandat.