Ces dernières semaines, les insurgés se sont brièvement emparés de plusieurs villes de la province du Cabo Delgado. Retour sur une guérilla islamiste qui prospère sur les inégalités économiques et les tensions ethniques.

Le langage de la police mozambicaine est subtil. Quand elle fait l’effort de s’exprimer publiquement, il faut surtout entendre les non-dits. Exemple avec la déclaration de son commandant en chef, Bernardino Rafael, ce mardi. «Aucune zone n’est aux mains des insurgés.» Traduction : «Les insurgés ont pris ponctuellement le contrôle de certaines portions du territoire.» Ou encore : «Nous travaillons à restaurer l’ordre public». Comprendre : «Nous sommes débordés.»
Depuis octobre 2017, une insurrection islamiste armée sévit dans l’extrême nord du pays. Le Cabo Delgado est la seule province à majorité musulmane, et l’une des plus pauvres du Mozambique, éloignée de la capitale, Maputo, de 2 500 kilomètres. Ces dernières semaines, des dizaines de combattants jihadistes ont brièvement occupé plusieurs villes de la région, détruit des bâtiments administratifs, des postes de police, et déployé leur drapeau noir à la vue de tous. Des opérations spectaculaires qui révèlent une montée en puissance de ce groupuscule longtemps resté mystérieux. Ses raids nocturnes à la machette dans les hameaux forestiers, non revendiqués, ont ces derniers mois laissé la place à des offensives complexes, en plein jour, visant des cibles officielles dans des chefs-lieux de province.
Secte religieuse
Pour la seconde fois, quelques jours après l’attaque de la ville côtière de Mocimboa da Praia, le 23 mars, les jihadistes ont diffusé une vidéo. Un de leurs porte-parole apparaît sur les images, haranguant la foule : «Nous ne voulons pas un gouvernement de mécréants, nous voulons le gouvernement de Dieu», dit-il. Le communiqué de revendication est signé par «l’Etat islamique dans la province d’Afrique centrale».
Bien que les insurgés du Cabo Delgado soient formellement affiliés à l’Etat islamique depuis l’été dernier, aucune preuve d’une collaboration opérationnelle avec une organisation transnationale n’a été apportée à ce jour. Les habitants de la province ont beau appeler ses membres «Al-Shabab» («les jeunes» en kiswahili, la lingua franca régionale), le lien avec le mouvement des Shebab somaliens, 1 500 kilomètres plus au nord, n’a pas non plus été établi. «Il y a surtout des locaux dans le groupe, des jeunes de la province. Sûrement des Tanzaniens, peut-être même parmi les chefs, car le Cabo Delgado est géographiquement et culturellement plus proche de la Tanzanie voisine que de la capitale», explique Eric Morier-Genoud, historien de l’Afrique à l’université Queen’s de Belfast.

By AGM News

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