Un rapport de l’ONU détaille une longue liste de crimes contre l’humanité qui auraient été commis à l’encontre des Rohingyas dans l’Etat Rakhine et contre d’autres minorités ethniques dans les Etats Kachin et Shan.
La Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie, créée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2017, a estimé lundi dans un rapport que « les principaux généraux de Birmanie, y compris le commandant en chef Min Aung Hlaing, doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites pour génocide dans le nord de l’Etat Rakhine, ainsi que pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans les Etats Rakhine, Kachin et Shan ».
Assassinats, disparitions et torture
La mission de l’ONU, qui n’a pas été autorisée à se rendre en Birmanie, a interrogé 875 victimes et témoins et s’est aussi servie d’images satellite. Selon le rapport, « les crimes commis dans l’Etat Rakhine, et la manière dont ils ont été perpétrés, sont de nature, de gravité et de portée similaires à ceux qui ont permis d’établir l’intention génocidaire dans d’autres contextes ».
Le rapport détaille une longue liste de crimes contre l’humanité qui auraient été commis à l’encontre des Rohingyas dans l’Etat Rakhine et contre d’autres minorités ethniques dans les Etats Kachin et Shan : assassinat, emprisonnement, disparition, torture, viol, esclavage sexuel, persécution et asservissement. Les experts évoquent également « l’extermination et la déportation », deux autres crimes contre l’humanité, dans l’Etat Rakhine.
« Les Rohingyas sont dans une situation continue d’oppression sévère, systémique et institutionnalisée de la naissance à la mort », a déclaré le président de la mission de l’ONU, l’Indonésien Marzuki Darusman, en conférence de presse. « Nous avons examiné la période depuis 2011. Les violations identifiées au cours de cette période font partie d’une conduite militaire abusive, qui date depuis au moins un demi-siècle », a ajouté pour sa part l’enquêteur australien Christopher Sidoti. Selon leur rapport, « il existe suffisamment d’informations pour justifier (…) la poursuite des hauts responsables de la chaîne de commandement » de l’armée birmane.
Aung San Suu Kyi n’a pas « empêché » ces exactions
D’après les enquêteurs de l’ONU, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix,« n’a pas utilisé sa position de facto de chef du gouvernement, ni son autorité morale, pour contrer ou empêcher le déroulement des événements dans l’Etat Rakhine ». « Par leurs actes et leurs omissions, les autorités civiles ont contribué à la commission de crimes atroces », ont-ils estimé.
Ceux-ci ont néanmoins fait valoir que les autorités civiles avaient « peu de marge de manœuvre » pour contrôler les actions de l’armée et que « rien n’indique non plus qu’elles ont participé directement à la planification ou à la mise en œuvre d’opérations de sécurité ou qu’elles faisaient partie de la structure de commandement ».
Outre les chefs de l’armée, la mission de l’ONU a dressé une liste confidentielle plus longue d’individus présumés coupables pour que les tribunaux puissent s’en emparer. Dans son rapport, la mission onusienne demande au Conseil de sécurité de faire appel à la Cour pénale internationale ou d’établir un tribunal international ad hoc. Elle appelle également à des sanctions ciblées contre les auteurs de ces crimes et à un embargo sur les armes. Si le Conseil de sécurité de l’ONU a plusieurs fois appelé la Birmanie à l’arrêt des opérations militaires et au retour en toute sécurité des Rohingyas, ses initiatives restent entravées par Pékin. La Chine, premier soutien de la Birmanie, est membre permanent du Conseil et dispose donc d’un droit de veto.