Traiter les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine comme un bloc géopolitique homogène, c’est occulter leurs divisions et faire fi de leurs problèmes et intérêts spécifiques.. Il n’y a encore pas si longtemps, les dirigeants politiques de Washington et des autres capitales occidentales n’accordaient que peu d’importance à la possibilité que le reste du monde puisse ne pas partager leurs opinions. A quelques exceptions près, les régimes que l’Occident considérait comme de « bons partenaires » – en d’autres termes, ceux qui étaient prêts à promouvoir la sécurité ou les intérêts économiques des Etats-Unis et de l’Europe – continuaient à bénéficier de son soutien même s’ils ne se gouvernaient pas selon les valeurs occidentales. Mais après la fin de la guerre froide, la plupart des décideurs politiques occidentaux semblaient s’attendre à ce que les pays en développement se tournent, avec le temps, vers la démocratie et la mondialisation. Peu d’entre eux s’inquiétaient du fait que des Etats non occidentaux puissent s’opposer à leurs normes, ou percevoir la répartition du pouvoir de l’ordre international comme un vestige injuste du passé colonial. Les dirigeants qui exprimaient de telles opinions, à l’image du Vénézuélien Hugo Chávez, étaient considérés comme des excentriques aux idées dépassées. Aujourd’hui, au contraire, le débat public occidental considère comme un fait établi l’existence d’un « Sud global » avec ses propres perspectives. Cette expression est devenue un raccourci presque inévitable. Des dirigeants, comme l’indien Narendra Modi et la Première ministre de la Barbade Mia Mottley, ont commencé à énoncer les priorités du Sud global – bien qu’encore assez amorphe – sur des questions telles que le financement du climat et le rôle des institutions internationales. Déçus par le refus d’un certain nombre de pays en développement de sanctionner la Russie pour son agression en Ukraine, les responsables américains et européens prêtent une attention de façade aux préoccupations de ce groupe d’Etats. Bien que cette reconnaissance des intérêts du reste du monde soit une évolution bienvenue, elle est liée à une compréhension particulière du Sud global qui est un concept difficile à manier. Il n’existe pas de définition stricte du terme, mais il est généralement utilisé pour désigner l’ensemble des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il désigne autant certaines puissances du G20, tels que le Brésil et l’Indonésie, que la Sierra Leone et le Timor Oriental, faisant partie des pays les moins développés au monde. Certes, ces Etats ont partagé des expériences historiques semblables et ont des intérêts communs, comme la modification de l’équilibre des pouvoirs dans le système international. Mais ils ont aussi des valeurs, des perspectives et des intérêts qui diffèrent drastiquement. Le risque de ce terme est de faire perdre de vue cette diversité aux décideurs politiques occidentaux. En abordant le Sud global comme une.