Les ennemis jurés du rap français sont poursuivis pour violences aggravées et vols en réunion. Ils risquent jusqu’à 10 années de prison.
Ils avaient transformé un hall de l’aéroport d’Orly en ring. Les rappeurs Booba et Kaaris, ennemis jurés du rap français, sont jugés jeudi 6 septembre à Créteil après leur rixe qui avait retardé plusieurs vols début août. Des faits pour lesquels ils ont déjà passé trois semaines derrière les barreaux. Libérés fin août, ils comparaissent devant le tribunal correctionnel qui avait ordonné leur placement en détention provisoire. Neuf membres de leurs clans respectifs impliqués dans les échauffourées sont également poursuivis pour violences aggravées et vols en réunion. Tous risquent jusqu’à dix ans de prison.
Depuis leur libération, Booba, de son vrai nom Élie Yaffa, et Okou Gnakouri, alias Kaaris, ont versé chacun une caution de 30 000 euros, ont interdiction de quitter la Franceet se tiennent à carreau. Star du rap hexagonal, Booba a promis un comportement « irréprochable ». Installé à Miami, l’autoproclamé « duc de Boulogne », 41 ans, n’a pas revu ses deux enfants depuis début août. Et connaît le prix de la prison : il y a passé 18 mois à la fin des années 1990, pour avoir braqué un chauffeur de taxi. « Quand ils verrouillent ta cellule, tu te sens comme une merde. Ce sentiment d’impuissance, c’est très fort. (…) Un jour, j’en parlerai à mes enfants », confiait-il en juin au Monde, en évoquant cet épisode.
De son côté, Kaaris a vécu sa détention provisoire comme « une injustice », explique à l’Agence France-Presse son avocat David-Olivier Kaminski. À 38 ans, le rappeur de Sevran (Seine-Saint-Denis) soigne désormais son image de père de famille, en s’affichant avec sa fille sur Instagram. Face aux enquêteurs, les deux anciens complices devenus rivaux avaient joué la carte de la « légitime défense » pour justifier leur coup de sang du 1er août. Ce jour-là ils, doivent prendre le même avion pour Barcelone : ils sont chacun attendus sur scène le soir même, dans deux clubs séparés de seulement quelques mètres – une pure coïncidence, selon les deux camps. Mais dans la salle d’embarquement, la haine recuite entre les deux rappeurs explose. Depuis plusieurs années, « B2O » et son ancien poulain « K2A » – ils ont collaboré en 2012 sur le titre « Kalash » – s’invectivent sur les réseaux sociaux et par vidéos interposées.
« C’est la garde à vue qui m’attend »
Kaaris a, lui, rapporté des insultes, qui les visaient lui, sa femme et sa fille et auraient précédé les coups. « Sa version est confortée par les éléments matériels du dossier », estime Me Kaminski. « Sur la légitime défense, je pense qu’on rentre dans les critères de la loi. » L’avocat compte notamment s’appuyer sur une vidéo Snapchat, diffusée par une fan de Booba juste avant l’altercation. On y voit le Boulonnais dans l’aéroport, affirmer pince-sans-rire : « C’est la garde à vue qui m’attend. » « Cela démontre ses intentions », estime l’avocat. « Dans sa toute-puissance, Booba n’imaginait pas que tout ça se terminerait en prison. »
Intention avérée ou simple fanfaronnade en public ? Au cours de ses plus de vingt ans de carrière, Booba s’est imposé non seulement comme le patron du rap français, mais aussi comme le roi du « clash ». Ses disputes l’ont conduit à se battre à Miami avec un autre rival, La Fouine. En 2014, un autre concurrent, Rohff, avait violemment tabassé à Paris un vendeur de sa marque de vêtements. « Les clashs, je prends ça comme un dîner de cons, c’est juste un délire », affirmait Booba aux Inrocks en février.