Malgré les clichés, il n’est pas si facile de vivre une sexualité épanouie avec un sexe plus imposant que la moyenne.
En 2012, l’Américain Jonah Falcon a été arrêté à l’aéroport de San Francisco. Les douaniers l’accusaient de transporter un « paquet suspect ». Ce qu’ils avaient pris pour une bombe était en réalité son pénis, l’un des plus gros du monde -24 cm au repos, 34 en érection. Interrogé par le Huffington Postaméricain, Jonah Falcon a jugé l’anecdote « amusante ». Il a même trouvé moyen de tirer profit de cette particularité anatomique en se lançant dans le porno.
L’industrie du X est friande des organes imposants, symboles de virilité triomphante et de plaisir assuré. Comme Jonah Falcon, Ron Jeremy et Rocco Siffredi sont devenus des stars du X grâce à leur sexe, mesurant respectivement 25 cm et 21,5 cm en érection. Des tailles qui les placent bien loin des chiffres avancés par la revue spécialiséeBritish Journal of Urology : la longueur moyenne d’un pénis en érection est de 13,12 cm, 9,16 cm au repos. La circonférence moyenne passe de 9,31 cm au repos à 11,66 cm en érection.
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« Se savoir hors-norme peut nuire à la confiance en soi »
Valorisation dans le porno et regards envieux dans les vestiaires confortent les hommes généreusement pourvus dans la certitude qu’ils ont de la chance. Dans l’intimité, cette faveur de la nature peut pourtant être plus difficile à accepter. « À l’adolescence, j’avais l’impression de prendre un centimètre par semaine tellement mon pénis grossissait vite, se souvient Étienne, 25 ans et 19 cm en érection. Au début, j’étais ravi mais petit à petit, j’ai fini par me demander si cela allait s’arrêter un jour. Les cours de natation étaient une source de gêne. Le fameux ‘moule-bite’ portait bien son nom. »
« La normalité de leur sexe est un sujet d’inquiétude pour les ados, confirme Marie-Line Urbain, sexologue. Tant qu’ils restent dans la moyenne ou un peu au dessus, tout va bien. Mais se savoir hors-norme peut nuire à la confiance en soi. »
Un début de sexualité compliqué
À l’âge des premières fois, s’offrir au regard de son ou de sa partenaire et à son potentiel jugement est pour certains une expérience douloureuse. « Ma première copine était à la fois fascinée par mon pénis et avait peur de faire l’amour avec moi, se souvient Étienne. Elle craignait que je ne lui fasse mal, comme si mon sexe était une sorte d’épée. Pendant des mois, nous nous sommes arrêtés aux préliminaires. Notre première fois n’a pas été très réussie. Elle respirait fort, comme si elle était en plein cours de préparation à l’accouchement. »
« Cette appréhension vient en partie d’une croyance erronée. Les femmes pensent souvent que leur vagin a une profondeur d’à peine quelques centimètres. En réalité, il fait de 12 à 14 cm, souligne Marie-Line Urbain, c’est-à-dire à peu près la même taille qu’un pénis dans la norme. En revanche, un organe beaucoup plus grand et large peut cogner contre le col de l’utérus, ce qui peut provoquer des sensations désagréables. »
« J’ai l’impression d’être une bête de foire »
C’est ce qui est arrivé à Victoria, 29 ans. La jeune femme se souvient avoir tâté le terrain avec appréhension la première fois qu’elle a fait l’amour avec Xavier, un garçon rencontré sur Tinder. « Nous étions sur le lit quand j’ai senti le monstre, raconte-t-elle. Mon instinct m’a dit de trouver un subterfuge pour partir en courant. Finalement, je suis restée. À force de préliminaires et de lubrifiant, nous avons réussi à coucher ensemble, mais les frottements ont provoqué des irritations. » Au point que Victoria est persuadée que cette relation sexuelle est responsable d’une « jolie infection urinaire dès le lendemain ».
« Le monstre », « la chose », « le troisième bras »: autant de qualificatifs qu’Étienne a maintes et maintes fois entendus et qu’il peine à prendre au second degré. « Je les trouve humiliants. J’ai l’impression d’être considéré comme une bête de foire. Le pire, c’est qu’on me fait comprendre que je n’ai pas le droit de me plaindre, un peu comme les jolies filles qui disent en avoir marre de se faire draguer à longueur de temps. »
Dans la série à succès Sex Education, le personnage d’Adam prend le problème à bras le corps. Il n’hésite pas à assumer publiquement la taille de son pénis en baissant son pantalon devant tous les autres élèves du lycée.
Le préservatif, une chaussure rarement à la bonne pointure
S’il ne se sent pas pris au sérieux, Étienne rencontre pourtant de réelles difficultés dans sa vie sexuelle. « La plupart des préservatifs compriment mon sexe. En trouver dans lesquels je me sente à l’aise n’est pas facile. » « Cela n’a rien d’agréable en effet, compatit Marie-Line Urbain. C’est un peu comme porter des chaussures qui ne seraient pas à la bonne pointure. »
Le jeune homme craint aussi que le préservatif ne craque en plein acte. « Plusieurs fois, j’ai perdu tous mes moyens car j’étais obnubilé par la peur du sida ou d’une grossesse », reprend Étienne. Le compagnon de Victoria lui a aussi raconté qu’il « ressentait parfois des douleurs, tant la paroi du vagin était serrée autour de son sexe. »
« Difficile de prendre du plaisir quand on doit rassurer »
Du côté du corps des partenaires aussi, il arrive que cela coince. Jeanne, 31 ans, vit avec un garçon au pénis de 18 cm en érection. « Je lui fais très rarement des fellations, confie-t-elle. J’ai très vite l’impression d’étouffer. Et puis, je ne le lui avouerais jamais, mais je trouve son pénis assez laid. » Jeanne assume malgré tout une forme d’ambivalence. « Quand j’entends mes copines dire qu’elles ne sentent pas grand-chose lors des rapports, je me sens rassurée. Malgré moi, j’associe virilité et taille du pénis », avoue-t-elle.
Hugo, 35 ans, est gay. Sil lui arrive d’envoyer des photos de son sexe de 19 cm sur des applications de rencontre pour trouver un partenaire, une fois au lit les choses se compliquent. « Certains hommes ont refusé catégoriquement que je les pénètre. Ils fantasmaient sur mon sexe mais ne savaient pas comment s’y prendre, s’amuse-t-il. Il est difficile de prendre du plaisir, de découvrir l’autre quand on doit rassurer, expliquer et convaincre qu’on ne va pas faire mal. Reste qu’il ne faut pas tout voir en noir, nuance Hugo. Certains hommes sont aussi très excités par mon sexe. Cela fait du bien à mon ego. »
Le choix de la position a une importance cruciale. Jeanne ne se met jamais en amazone sur son conjoint : « J’ai l’impression de m’empaler sur son sexe et je ne suis pas libre de mes mouvements. » Étienne, lui, préfère éviter autant que possible le missionnaire. « Ce n’est pas toujours facile avec des filles que je connais peu tant cette position est conventionnelle, mais je sais que l’angle ne sera pas le bon pour ma partenaire. Je préfère la guider en position de cuillère pour que l’on prenne vraiment notre pied. »
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Le stress, un facteur à prendre en compte
Pour Marie-Line Urbain, ces attentions redoublées sont les bienvenues mais elles ne doivent pas empêcher de vivre sereinement sa sexualité. « Le facteur essentiel, c’est le stress, martèle la spécialiste. Plus on se laisse aller et plus les muscles vaginaux ou anaux se dilatent, s’assouplissent. Les rapports sont alors bien plus faciles. » Utiliser un lubrifiant peut aussi aider.
Au-delà des précautions pratiques, Étienne et Hugo sont formels. La taille de leur pénis a changé leur vision de la sexualité. « Cette particularité m’a rendu plus attentif aux envies de mes partenaires, précise Étienne. Je ne peux pas être dans ma bulle, indifférent à leurs sensations, seulement occupé de mon plaisir. Mon but est avant tout de faire jouir ma partenaire. » Plus qu’une question de centimètres, c’est peut-être cette faculté d’écoute qui fait d’eux de bons amants