CÔTE D’IVOIRE | Abidjan, par TOURÉ Vakaba
Au moment même où le pays tourne au ralentit, et des travailleurs prisonniers à domiciles, que le conseil municipal de la commune de Marcory, (district autonome d’Abidjan), décide de faire démenteler cet espace qui a fait pourtant, jadis la fierté des abidjanais, arrachant à la rue, de nombreux jeunes désœuvrés.
LES FAITS | Tout est parti d’une note signée du « Directeur des services techniques et de l’environnement » de la mairie de Marcory, qui mettrait en demeure les exploitants de l’espace dit des « mille maquis », qui ont 72h pour libérer les lieux. Nous y avons alors expédié une équipe de reportage, qui a pu trouver sur place, des adultes, aux regards perdus, et manifestement aux abois, affirmant leur colère à gorges déployées.
« Le 14 janvier dernier, nous avons reçu un courrier de la mairie, nous demandant de libérer cet espace, avant le 31 du même mois, à 18h. On pouvait clairement lire que passer ce délai, les services de la mairie procèderaient à notre démantèlement, sans d’autres formes de préavis (…) », rappelle dame Karamoh Dodo qui explique s’y être installée depuis le premier semestre des années 90.
« Dans la foulé (…) », renchérit son voisin, qui répond en l’appellation locale de Kouadio, par ailleurs enseignant à la retraite, « (…) Au nom du bureau de l’association des commerçants et opérateurs économiques des mille maquis, nous avons alors demandé une audience expresse auprès du premier magistrat de la commune, à l’effet de comprendre l’opportunité de sa décision et l’implorer par conséquent, afin qu’il tiennent compte de notre investissement qui s’étale sur plusieurs décennies dans ce secteur (…) »
« C’est ainsi qu’il nous recevra le 20 janvier. Nous avons à l’occasion, profité pour lui adresser nos vœux de nouvel an, l’habillant symboliquement en tenue traditionnelle. L’ambiance était bon enfant. Je me souviens m’être mise à genoux, pour le supplier, afin qu’il tienne compte de notre situation. C’est à ce moment là, qu’il nous donnera 90 jours, compris entre début février et fin avril, pour libérer l’espace (…) », raconte dame Karamoh Dodo, qui y tient deux bars, à savoir « Bel Italia » et le célébrissime Marcory Gazoil, en abrégé « MG », qui fera parler de lui, en milieu des années 90.
Comme motif, le premier magistrat de la commune de Marcory, le sieur Aby Raoul, a expliqué à ses visiteurs, que cet espace devait servir en la réalisation d’un important projet, à caractère commercial. Autour du maire ce jour là, plus de deux cent (200) indigents, tous ayant directement ou indirectement un intérêt croisé en ce mythique espace.
« Il a demandé que nous dressions une liste claire et lisible de tous les occupants. Il a même indiqué que nous bénéficieront de mesures d’accompagnement, telles, les faciliter d’obtention de magasins, à des montants arrangés. Il avait promis nous recevoir une seconde fois, après s’entretenu avec les nouveaux bénéficiaires des lieux, au fin d’arrondir les positions. Depuis et jusqu’alors, nous faisons le pied de grue pour voir notre maire que nous avons élu…en vain !(…) », martèle le sexagénaire, étrangement remonté.
Le bureau de l’association, qui défend leurs intérêts auraient, à les entendre, plusieurs fois frappé aux portes des bureaux du nommé Abdoul, le directeur de cabinet du maire PDCI de la commune de Marcory, sans succès non plus.
Deux courriers frappés de la mention « courrier arrivé », respectivement en date du 1er mars et du 27 avril de l’année en cours, et dont AGM NEWS a reçu copie, corroborent nettement ces allégations.
Le pic de la menace fut véritablement observé ce mercredi 29 avril.
En effet, alors que les contestataires s’attendaient encore en la manifestation d’un miracle, il reçoivent une dernière sommation qui leur donne seulement 72 h pour débarrasser le planché.
« Dans le cadre de l’aménagement de l’espace des « mille maquis », je vous prie de bien vouloir prendre les dispositions, pour démenteler votre installation sur ledit espace dans un délai de soixante douze (72 h), à compter de la date de réception de cette mise en demeure. Passe ce délai, les services de la mairie procéderont à votre deguerpissement sans autre forme de préavis. », signé le maire et par délégation, le directeur des services techniques et de l’environnement, Logon Kouadio.
Du coup, cette information est perçue par les exploitants, comme un message de deuil.
« La main qui demande est toujours en bas (…)», ironise le doyen kouadio, qui explique avoir rénové son établissement, tombé en ruine, après l’incendie qui avait ravagé le secteur une nuit du 17 au 18 décembre 2016.
« J’étais chez moi à Bouaflé lorsque le sinistre se produisait. J’ai du avoir recours à un crédit bancaire de deux millions pour réhabiliter mon affaire. J’y avais tellement cru. J’ai même pas eu le temps de travailler pour rembourser la banque qu’on me demande de partir. Nous demandons solennellement à notre maire, qu’il nous assiste en ce moment douloureux ».
L’homme rappelle en effet avoir rencontrer le député et la sénatrice de la commune, en vue d’une résolution gagnant-gagnant, sans succès. Tous clament leur impuissance face au problème.
Les noceurs et autres professionnels du show biz, anciens ou jeunes, encore en activité, d’Abidjan à Paris en passant par Kinshasa, Brazzaville, Washington, Yaoundé et Libreville, personne n’ignore la célébrité de ce lieu, qui verra naître dans l’ambiance des années 90, la propension de plusieurs groupes zouglou. L’artiste Zitani Nel, auteur du très remuant titre « Marcory gasoil » est sorti des entrailles de ce haut lieu de la culture, de la gastronomie et du tourisme ivoirien. Vivement une solution, quitte à soulager ces pères et mères de familles à se refaire dignement une nouvelle vie ailleurs.
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