« Pouvez-vous revenir sur l’origine du différend que vous avez ? » La même question a été posée aux deux rappeurs pendant leur garde à vue, après la bataille générale qui a éclaté début août à l’aéroport d’Orly. Booba et Kaaris ont, depuis, été écroués avec plusieurs de leurs proches dans l’attente de leur procès le 6 septembre et ont saisi la justice pour demander leur libération.
« Ça a commencé par des piques », « ça date de très longtemps », a expliqué Booba, 41 ans, aux enquêteurs de la Police aux frontières (PAF) début août. C’est lui, rappelle-t-il, qui avait « lancé » la carrière de Kaaris en l’invitant sur le morceau « Kalash », gros succès en 2012.
« À chaque fois, c’est fait pour me ridiculiser »
Mais deux ans plus tard, en improvisation sur l’antenne de Skyrock, Kaaris s’adresse au « numéro 1 » : « Je vais attendre que le soleil soit assez haut dans le ciel que tous me voient tuer le roi ». Booba se sent visé. « Il a eu des paroles envers moi à la radio que je n’ai pas appréciées. Je ne sais pas ce qu’il cherche », dit-il aux enquêteurs. S’ensuivent des années d' »altercations », de « clashes sur les réseaux sociaux », décrit-il.
Dernière attaque en date, une phrase de Booba, invité par un autre rappeur sur un morceau sorti en juillet, où il parle de « mettre son sexe dans le sexe de ma femme », comme le paraphrasera Kaaris devant les enquêteurs. En juin, dans le clip en images d’animation du morceau « Gotham », Booba « me décapite devant un bar gay », raconte-t-il aussi.
Si, selon le compte-rendu des enquêteurs, la vidéosurveillance de l’aéroport démontre que le groupe de Booba est à l’origine de la rixe, les deux rappeurs s’en rejettent la responsabilité. « Il me fixait, un peu provocateur », dit Booba. Lui voulait « contourner » son rival, mais a reçu des projectiles, « et ensuite c’était parti ».
« Je vais te boire ton sang »
Il avait été prévenu, dit-il : dans une vidéo de 2014, Kaaris « annonce » ce qu’il se passera « lorsqu’il me verra seul en vrai ». « Y a aucun mec de tiéquar [quartier] qui se bat sur internet », dit Kaaris dans cette vidéo, moquant les piques de Booba sur les réseaux sociaux, « des trucs de gamins ». « On se bat pas sur internet nous. Tout se passe dans la street […] viens en face de moi. Je vais t’enculer. Je vais te briser tes os, je vais te boire ton sang ».
« Je suis un acteur et j’en ai trop fait », avancera plutôt Kaaris. « J’étais fatigué, j’avais été moqué, sali, humilié ». Booba est « en guerre contre le monde entier », « casse des carrières » pour « garder le monopole », analyse-t-il. Le rappeur de 38 ans assure qu’à Orly, son rival s’est approché de son groupe avec ses amis. « Lève-toi salope », aurait dit l’un d’eux. « Après, les coups pleuvaient, ça partait dans tous les sens », assure Kaaris. « Je me suis défendu comme je pouvais ».
Sa version est confortée par les images de vidéosurveillance, disent les enquêteurs: on y voit Booba arriver depuis la zone de contrôle « d’un pas décidé », lâcher son sac au sol et « continuer d’avancer » avec un de ses proches vers Kaaris, qui finit par reculer « pour conserver une distance », notent-ils. « À 14H56 et 20 secondes », Booba et son ami « se ruent sur Kaaris », et le « clash » tourne à la bagarre générale, sous les yeux de passagers éberlués.