Par TOURÉ VAKABA DU KABADOUGOU
Autrefois havre de paix et de stabilité au nord-ouest, le royaume du Kabadougou (actuel Odienné), 860 kms d’Abidjan, frontalier à la Guinée Conakry, connaît depuis plusieurs années, une instabilité sociale et politique qui ne cesse de prendre du volume et de la profondeur.
Diagnostic d’un drame en cours d’exĂ©cution, dans ce silence de la savane herbeuse, en l’abri des regards, loin des contradictions.
Conséquence directe de ce désordre social grandissant, des affrontements réguliers entre bandes de jeunes, avec leur corollaire de morts et de blessés.
Passé le règne flamboyant des cadres «Touré », menés par le très important Moctar Touré, alors roi du Kabadougou, sous feu Félix Houphouët-Boigny et le commandement fortement controversé de l’ancien président, Aimé Bédié Henri Konan, actuel chef du parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le destin de la ville d’Odienné, désormais aux mains de bien d’autres cadres issus de familles, castes et «kablas» divers, peine encore à retrouver la pleine mesure de son envol.
En toile de fond, de violentes divisions familiales entre des cadres de premières mains, qui pullulent dans le pré-carré du bien aimé «cousin», le président de la République en exercice, Ouattara Alassane.
Le «fadeya» reste une expression malinké qui explique un conflit fratricide entre frères d’une même maison. Son exercice consiste à humilier l’autre, le faisant passer pour un fainéant, incapable de contribuer à la dynamique familiale ou régionale. Ainsi, le socle familial, les vertus ancestraux profanés, s’écroulent désespérément comme un château de cartes.
Or, c’est ce dangereux et impitoyable refrain qui consume de nos jours Odienné, depuis plus de deux décennies. Chacun voulant avoir les leviers du pouvoir et de la raison.
La classe politique «partenaire», leader sans partage dans la région, le Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), appuyé des cadres issus de sa délégation locale, reste étrangement impuissante et muete face à cette bombe à retardement qui pourrait pulvériser toute la région.
Aux cĂ´tĂ©s des «Touré», indĂ©trĂ´nables et vĂ©nĂ©rĂ©s terriens, on peut noter Ă OdiennĂ©, la prĂ©sence de grands voisins surnommĂ©s les «Siguinani». Ce sont ces familles, venues d’ailleurs, depuis plus d’un siècle, qui s’y sont installĂ©es, et ayant contribuĂ© Ă l’expansion, Ă la maturitĂ© et Ă la soliditĂ© du royaume du Kabadougou (la terre de Vakaba).
En plein milieu des annĂ©es 90, prenant le risque de possibles reprĂ©sailles qui pouvaient lui crĂ©er de gros ennuis politiques, feu Lamine DiabatĂ©, ancien directeur national de la BCEAO, Ă©poux de la grande chancelière Dagry Henriette, alors ardent dĂ©fenseur de l’opposant Ouattara Alassane, rĂ©ussira l’exploit de conduire de nombreux odienekas au rassemblement des rĂ©publicains (RDR) de feu Kobenan Djeni…au moyen d’un discours dont l’accent et le contenu n’ont pas manquĂ© de susciter orgueil et rĂ©volte auprès de ses compatriotes.
Seulement une poignée, alors menée par un fils du royaume, feu Touré Vakaba, alias « le fédéral », s’en était remise au Front populaire ivoirien (FPI), au pouvoir entre 2000 et 2010.
L’unité était alors à son paroxysme, la fraternité aussi. L’espoir qu’un des «leurs», Ouattara Alassane en l’occurrence, se retrouvera «un jour» aux affaires va commencer à naître.
Au prix de milles histoires et sacrifices, celui-ci parvient à s’emparer de la direction du pays.
Depuis plus de dix ans, la ville reste la même, rien n’ayant changé. La jeunesse, sans emploi pour la plupart, reste livrée à elle-même.
Par contre, les cadres restent de parfaits bagarreurs, toutes catégories confondues, et savent par ailleurs bien manipuler provocations, injures et invectives.
Chaque individu, profitant d’une portion de pouvoir, prĂ©fère avant tout, privilĂ©gier ses intĂ©rĂŞts, sa descendance, sa condescendance et ses copains, relĂ©guant aux calandres grecques, le dĂ©veloppement du terroir et se moquant Ă©perdument de la grande dĂ©tresse des habitants qu’ils exploitent et manipulent Ă volontĂ©.
Chefs coutumiers, cadres, élites politiques et religieuses, tous ont échoué à y mettre de l’ordre et la discipline. L’insécurité et le désordre ont brillamment colonisé le moindre recoin. La ville d’Odienné est manifement devenue un dépotoir, sinon un foutoir ou tout est permis, du moins !
Du fond de sa tombe, majestueusement logée au centre ville, Sa majesté «Vakaba youma», le très vénéré créateur du royaume du Kabadougou, est certainement entrain de retourner dans sa pièce, déçu qu’il reste de ses enfants qui échouent à honorer son gigantesque héritage et sa sainte mémoire. Triste !