C’est officiel, les cancers tuent désormais plus de gens que les maladies cardiovasculaires dans les pays à revenus élevés. Et cette nouvelle tendance peut être considérée comme une bonne nouvelle car plus qu’une percée du nombre de cancers, il s’agit surtout d’un recul du nombre de victimes des maladies cardiovasculaires dans nos pays, où les habitudes hygiéno-diététiques et les soins s’améliorent continuellement.
Les maladies cardiovasculaires laissent la place au cancer
Depuis environ 50 ans, les maladies cardiovasculaires constituent la principale cause de morbidité (état de maladie) et de décès dans les pays à revenus élevés. Mais la donne a changé, conclut une nouvelle étude de grande ampleur publiée en deux parties (PURE1 et PURE2) dansThe Lancet. Car cette prise de conscience a mené à la mise en place de stratégies pour contrôler les facteurs de risques de maladies cardiovasculaires courantes (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ou AVC et insuffisance cardiaque), et de meilleurs traitements. Résultat, alors que la mortalité due aux cancers a peu évolué, ces derniers tuent aujourd’hui 2,5 fois plus que les maladies cardiovasculaires dans les pays où les revenus sont élevés !
Plus des maladies cardiovasculaires que de cancers dans les pays moins favorisés
Afin d’obtenir ces résultats et de les comparer avec ceux des pays moins favorisés, les auteurs ont examiné plus de 155.000 personnes dans 21 pays : quatre pays à haut revenu (Suède, Arabie Saoudite, Canada, Emirats Arabes Unis), 12 pays à revenus moyens (Argentine, Brésil, Chili, Chine, Colombie, Iran, Malaisie, Palestine, Philippines, Pologne, Afrique du Sud, Turquie) et 5 pays à revenus faibles (Zimbabwe, Tanzanie, Pakistan, Bangladesh, Inde). Si certaines régions comme l’Australie ou l’Afrique de l’ouest et du nord n’apparaissent pas dans l’étude, la diversité des populations (900 communautés urbaines ou rurales) fournit une « diversité substantielle de facteurs de risque et de variables contextuelles » rendant les résultats plus généralisables que « la plupart des études précédentes », commente le Dr Tony Dans dans un communiqué.
Au total, les taux de mortalité dans les pays à revenu faible étaient deux fois plus élevés que dans les pays à revenu intermédiaire, et quatre fois plus élevés que dans les pays à revenu élevé. Les deux premières causes : les maladies cardiovasculaires et le cancer… Mais pas toujours dans cet ordre.
Ce rapport s’inversait pour les pays les plus riches, avec 0,6 décès sur 1.000 causés par une maladie cardiovasculaire contre 1,7 décès par un cancer. Dans les pays à moyen et faible revenu, les maladies cardiovasculaires conservaient l’avantage avec respectivement 2 et 4,2 décès sur 1.000, contre 1,6 et 1,4 dus au cancer.
70% des maladies cardiovasculaires dues à des facteurs de risque modifiables
Ces derniers chiffres constituent un paradoxe : les pays à faibles revenus étant peu exposés aux facteurs de risque des maladies cardiovasculaire, pourquoi en meurent-ils plus ? Pour les auteurs, la réponse est dans l’accès aux soins ainsi que dans la qualité de ces derniers, nettement moins bonne dans les pays les moins favorisés. « En outre, d’autres facteurs de risque, tels que la pollution de l’air domestique et ambiant, le faible niveau d’instruction et un régime alimentaire médiocre, sont plus fréquents dans les pays aux revenus faibles à modérés et pourraient être responsables de la mortalité plus élevée par rapport aux pays à revenus intermédiaires », expliquent les scientifiques dans la publication.
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Dans l’ensemble, les facteurs de risque modifiables, notamment les facteurs métaboliques (obésité, hypertension, diabète…), comportementaux (tabac, sédentarité…), socioéconomiques et psychosociaux, le manque de force physique (une meilleure force de préhension est associée à un régime alimentaire plus sain et à moins de sédentarité) et l’environnement, étaient à l’origine de 70% des cas de maladies cardiovasculaires dans le monde. Les facteurs de risque métaboliques étaient les plus importants facteurs de risque contributifs au monde (41,2%), en particulier l’hypertension (22,3%). Mais dans les pays à revenu intermédiaire et faible, l’importance de la pollution de l’air des ménages, d’un régime alimentaire médiocre, d’un faible niveau d’éducation et d’une prise des traitements mauvaise était nettement plus importante.
Le cancer, voué à devenir la première cause de mortalité dans le monde
Les taux de maladies cardiovasculaires continuant à baisser, « le cancer pourrait probablement devenir la principale cause de décès dans le monde, dans quelques décennies à peine », commente dans un communiqué le Dr Gilles Dagenais, professeur à l’Université de Laval, (Québec) et auteur principal d’un des deux volets de l’étude.
Mais pour arriver à ce résultat, encore faut-il améliorer les politiques de santé. « Certains facteurs de risque ont certes des impacts globaux importants, tels que l’hypertension, le tabac et un faible niveau d’éducation, mais d’autres, tels que la mauvaise alimentation, la pollution de l’air domestique, varient largement en fonction du niveau économique des pays », réagit dans un communiqué la Pr Sumathy Rangarajan, qui a coordonné l’étude. « Il est maintenant possible de réaligner les politiques de santé mondiales et de les adapter à différents groupes de pays en fonction des facteurs de risque ayant le plus grand impact dans chaque contexte. »