Après le discours à la nation de Vladimir Poutine et la suspension russe à l’accord sur le désarmement nucléaire, le chef du Kremlin se prépare à retrouver le président chinois à Moscou. Entretien avec Andreï Kortounov, directeur du Russian Council, think tank russe sur les questions internationales.


Pourquoi le gouvernement russe a-t-il accueilli sans grand enthousiasme le plan chinois pour l’Ukraine ?

Ce n’est pas un plan. C’est un ensemble de principes. La réaction russe n’a certes pas été très enthousiaste. Mais elle a été plus positive que celle des Occidentaux. La Chine essaie de rester équilibrée et, dans son document, tout le monde peut trouver ce qui lui plaît et déplaît . Mauvaise nouvelle pour les Russes : l’insistance chinoise sur le respect de la souveraineté de l’Ukraine et sur l’intégrité territoriale. Bonne nouvelle pour les Russes : l’appel à un cessez-le-feu sans conditions. Pékin critique aussi les sanctions des Occidentaux et leur armement de l’Ukraine qui nourrit l’escalade. En réalité, la Chine montre de plus en plus de signes d’impatience face à ce conflit. Tout dépendra désormais du voyage de Xi Jinping à Moscou, attendu au printemps.

Xi Jinping pourrait-il accepter de livrer des armes à la Russie en échange de transferts des technologies nucléaires russes dont la Chine a besoin pour développer ses infrastructures ?

Difficile à dire pour le moment. Au-delà du commerce, les deux pays cherchent à développer leur intégration technologique, dans le nucléaire mais aussi dans l’aéronautique. Par ailleurs, la Russie a-t-elle vraiment besoin des armes chinoises ? Sa propre industrie militaire produit déjà beaucoup d’armes nécessaires à son armée sur le front ukrainien. Et Pékin continue de rester très prudent, voulant éviter de s’exposer aux sanctions occidentales secondaires en cas de soutien à son allié russe.

Les élites russes ont ironisé sur le récent dixième paquet de sanctions européennes. S’habituent-elles ?

Elles devraient craindre ces sanctions . Mais c’est un fait que cela devient une routine. Il y aura sans doute un onzième puis un douzième paquet de mesures. La réaction de Moscou est d’autant plus apaisée que l’économie russe s’est préparée et se révèle très résiliente , loin des scénarios d’effondrement envisagés au printemps 2022. Les sanctions s’enchaînent, mais les Russes gagnent en confiance. La défense du Kremlin et des élites est de dire que l’ouest cherche en fait des prétextes pour détruire l’économie russe mais qu’il n’y arrivera pas. Moscou est prêt à vivre longtemps sous ces sanctions qui, une fois mises en place, seront difficiles à lever. C’est simplement une nouvelle réalité dans laquelle nous devons durablement vivre.

La suspension de la participation russe au traité New Start avec les Américains sur le désarmement nucléaire annonce-t-elle une nouvelle course à l’armement ?

J’espère que Moscou et Washington retourneront à la table des négociations. S’il n’y a plus de lignes de communication, cela devient dangereux. C’est la porte ouverte à une escalade au-delà même de l’Ukraine. Et cela sera coûteux : sans limites dans le cadre d’un accord de contrôle, chacun devra financer une nouvelle course aux technologies des têtes nucléaires… Vladimir Poutine a annoncé cette suspension, seule vraie annonce dans son discours à la nation le mois dernier, car la situation devenait trop surréaliste : d’un côté, les Américains veulent appliquer le traité sur le contrôle des installations nucléaires ; mais, d’un autre côté, ils sont soupçonnés par l’intelligence russe de donner des informations aux Ukrainiens leur permettant de cibler les bases des bombardiers stratégiques russes.

Les diplomates à Moscou envisagent-ils la possibilité d’une défaite militaire russe en Ukraine ?

Je ne pense pas. Cela ne rentre pas dans la rhétorique du Kremlin. Ne pas garantir des gains territoriaux n’est pas une option. La définition minimale de la victoire est le maintien de ce qui a déjà été acquis, les quatre régions rattachées à la Russie après les référendums de septembre dernier, afin d’assurer la sécurité des populations du Donbass et de Crimée. L’objectif est d’assurer un contrôle territorial jusqu’à la péninsule afin d’éviter, par exemple, une nouvelle attaque ukrainienne sur le pont de Crimée. Mais, bien sûr, l’ambition maximale reste un changement politique à la tête de l’Ukraine.

By AGM News

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