«armée nationale libyenne» de Khalifa Haftar, qui contrôle une large partie du pays, continue son offensive contre Tripoli où siège un «gouvernement d’union nationale», reconnu par l’ONU mais affaibli. Longtemps proche des Américains, le «maréchal» s’appuie aujourd’hui sur différentes puissances étrangères.
Khalifa Haftar ne souhaite plus seulement être l’homme fort de la Cyrénaïque, mais bien de toute la Libye. Soutenu par le Parlement de Tobrouk siégeant depuis 2014 dans l’est du pays, le maréchal de 75 ans, dont l’«Armée nationale libyenne» (ANL) contrôle une large partie du territoire, veut s’emparer, à l’ouest, de la partie de la Tripolitaine qui lui échappe.
La capitale Tripoli est le siège du «gouvernement d’union nationale» du premier ministre Fayez al-Sarraj, reconnu par l’ONU, mais disposant d’un pouvoir des plus réduits. Les forces d’Haftar, qui ont lancé en fin de semaine dernière une offensive contre la ville, se heurtent néanmoins aux puissantes milices locales qui soutiennent Sarraj. Alors que ce nouveau conflit armé suscite des craintes des Tripolitains, mais qu’une partie d’entre eux, désireux de retrouver une Libye unifiée, soutiennent le «maréchal», Le Figaro rappelle les cinq principales informations qu’il faut connaître à propos de Khalifa Haftar.
● L’officier libyen devient l’«homme des Américains»
Né en 1943, officier de carrière, il participe au coup d’État de 1969 qui conduit à la chute du roi Idris 1er et à l’accession au pouvoir du colonel Kadhafi. En 1987, il dirige un corps expéditionnaire libyen contre le Tchad. Défait et capturé, il est emprisonné à N’Djamena, la capitale tchadienne, où il retourne sa veste et est chargé par les États-Unis de commander au Tchad une «force Haftar» destinée à renverser Kadhafi en Libye. Nouvel échec: en 1990, après l’élection du président tchadien Idriss Déby, proche du dirigeant libyen, il doit être exfiltré en urgence vers les États-Unis. Désormais surnommé l’«homme des Américains» par les Libyens, Khalifa Haftar s’installe près de Langley – le siège de la CIA – et continue de travailler – sans succès – à un renversement de Kadhafi.
● «Le révolutionnaire» fait un bref retour en Libye
En 2011, Khalifa Haftar retourne en Libye lors de la «première guerre civile», qui mène à la chute du colonel Kadhafi. Au début de la période de transition, élevé au grade de lieutenant-général, il commande brièvement la composante terrestre des forces armées libyennes. Ce retour en grâce ne dure pas longtemps. Les islamistes, majoritaires au sein de la rébellion victorieuse, ne lui pardonnent pas d’être «l’homme des Américains». Nouvel échec: Haftar retourne aux États-Unis dès la fin de l’année 2011.
● Le vieux général devient le «libérateur» de Benghazi
Il a déjà 71 ans lorsqu’il revient en Libye en 2014. Cette année-là, après des élections législatives, le pays s’est scindé entre deux pouvoirs, installés respectivement à Tripoli et à Tobrouk. Dans la capitale, des anciens membres du parlement, pour la plupart islamistes, ont refusé de laisser leurs sièges aux nouveaux élus qui décidèrent de former leur propre assemblée en Cyrénaïque dans l’Est. En 2016, sous l’égide de l’ONU, un «gouvernement d’union nationale»dirigé par le tripolitain Fayez al-Sarraj est mis en place, mais n’est pas reconnu par Tobrouk. Dans ce contexte de division, le vieux général, bientôt maréchal, décide de créer sa propre force armée, à laquelle se greffent des milices locales et des éléments de l’ancienne armée libyenne. Ainsi devient-il le commandant en chef de l’ALN, reconnue par le parlement de Tobrouk.
Il va s’imposer peu à peu comme l’homme fort de l’Est libyen, prenant la tête de l’offensive contre les forces islamistes et djihadistes – y compris Daech – qui tiennent notamment la grande ville de Bengazhi, d’où ses forces sortent victorieuses, fin 2017. Pour ses admirateurs, il prend la figure de «libérateur» tandis que ses détracteurs dénoncent l’avènement d’une dictature militaire. En 2018, l’ANL a avancé vers le centre du pays, de telle sorte qu’elle contrôle désormais tout le croissant pétrolier, mais aussi vers le sud et l’ouest, Haftar négociant avec certaines tribus pour étendre son autorité. Ainsi, contrôle-t-il la quasi-intégralité de la frontière avec l’Algérie et même une partie de la frontière avec la Tunisie.
● Puissants soutiens internationaux
L’homme fort de la Cyrénaïque s’est appuyé pour réussir son retour sur des alliés. Dans la région, les trois principaux sont l’Égypte, les Émirats arabes unis et surtout l’Arabie Saoudite, alors, qu’inversement, la Turquie et le Qatar appuient le «gouvernement d’union nationale». Par ailleurs, Haftar peut compter sur l’appui de la Russie, même si Moscou tâche aussi d’entretenir des relations équilibrées avec toutes les parties. Reste que le maréchal Haftar a été reçu en août 2017 à Moscou, signe d’un soutien manifeste pour un militaire qui occupe officiellement aucune position politique. Le 27 mars 2019, c’est cette fois-ci auprès du roi Salman à Riyad que le dignitaire libyen a été reçu. Là encore, un signe, quelques jours avant le lancement de son offensive vers Tripoli.
Quant aux pays occidentaux, ils ont, à des degrés divers, été obligés de tenir compte du rapport de force en faveur du maréchal libyen, à commencer par Paris, que l’Italie, plus proche de Tripoli de ce point de vue, accuse régulièrement de soutenir Khalifa Haftar. C’est dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que la France a envoyé en Libye des forces spéciales aux côtés de l’ANL, notamment lors de la bataille de Benghazi. C’est aussi à Paris qu’en juillet 2017, l’Élysée a organisé une rencontre entre Haftar et Sarraj pour faire avancer le processus de réconciliation, jusqu’ici sans succès. Tentant de démentir toute idée d’un soutien au maréchal libyen, l’ambassadeur de France à Tripoli a tweeté cette semaine: «La France soutient le gouvernement d’union nationale et n’était pas informée de l’opération de Khalifa Haftar».
● Santé fragile
Un dernier élément concerne sa santé. Début avril 2018, le maréchal de 75 ans a été hospitalisé plusieurs semaines à Paris. Selon des médias libyens, il aurait été victime d’une attaque cérébrale ou cardiaque. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses rumeurs ont circulé concernant son éventuelle mort, mais aussi sa future succession à la tête de l’Armée nationale libyenne.