Côte d’Ivoire | Amnesty dénonce arrestations arbitraires et tortures!

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Côte d’Ivoire. Arrestations arbitraires, répression contre la dissidence et actes de torture en amont de l’élection présidentielle

Les autorités ivoiriennes doivent mettre fin aux arrestations arbitraires et aux actes de harcèlement ciblant des citoyens en raison de leurs opinions jugées critiques et dissidentes, et libérer immédiatement et sans condition ceux qui ont été placés en détention, a déclaré Amnesty International alors que se profile l’élection présidentielle de 2020.

Dans une communication intitulée Côte d’Ivoire. La situation en matière de droits humains demeure fragile, présentée avant l’Examen périodique universel (EPU) sur la Côte d’Ivoire en mai, Amnesty International a mis en lumière des préoccupations majeures en termes de droits humains, notamment l’usage de lois répressives pour faire taire la dissidence.

L’usage de lois répressives pour écraser le droit à la liberté d’expression se traduit par la détention arbitraire de très nombreux citoyens, au seul motif qu’ils ont exercé sans violence leurs droits humains
François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International

« L’usage de lois répressives pour écraser le droit à la liberté d’expression se traduit par la détention arbitraire de très nombreux citoyens, au seul motif qu’ils ont exercé sans violence leurs droits humains, a déclaré François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Tandis que l’élection présidentielle de 2020 se profile, les autorités ivoiriennes devraient prendre des mesures immédiates pour veiller à ce que chacun puisse exprimer librement ses opinions sans craindre d’être arrêté. Elles doivent respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits humains avant, pendant et après le scrutin. »

Au moins 17 détentions arbitraires de journalistes et blogueurs ont été recensées au cours des cinq dernières années et le Conseil national de la presse a sanctionné des organes de presse à maintes reprises, leur imposant interruptions de publication et lourdes amendes. Il prend particulièrement pour cibles ceux qui publient des opinions jugées critiques envers les autorités et proches des mouvements d’opposition.

Le 12 février 2017, six journalistes ont été arrêtés et placés en détention à Abidjan pour avoir couvert les mutineries. Privés de la possibilité de consulter un avocat pendant leur garde à vue, ils ont par la suite été inculpés de « publication de fausses informations » et d’« incitation à la mutinerie » de soldats. Ils ont été libérés le 14 février 2017, mais demeurent sous le coup d’une enquête de police.

Outre les journalistes, les opposants politiques et les blogueurs sont aussi la cible d’un harcèlement judiciaire, parce qu’ils expriment leurs opinions. Le 29 janvier 2019, le député Alain Lobognon, inculpé de divulgation de fausses nouvelles et d’incitation à la révolte, a été condamné à un an de prison assorti d’une amende d’environ 460 euros (300 000 Cfa).

Rassemblements pacifiques interdits

Les réunions pacifiques à l’initiative d’organisations de la société civile et de groupes d’opposition sont régulièrement interdites et dispersées par la police et la gendarmerie, qui font usage d’une force excessive.

Le 22 mars 2018, les forces de sécurité ont dispersé une réunion pacifique organisée par la Coalition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté en faveur de la réforme de la commission électorale indépendante. Plus de 40 manifestants ont été arrêtés, dont des figures de l’opposition.

« Les arrestations arbitraires et le harcèlement judiciaire de militants et de leaders de l’opposition s’inscrivent dans le cadre d’une attaque soutenue contre les voix dissidentes en Côte d’Ivoire », a déclaré François Patuel.

Par ailleurs, le rapport d’Amnesty International recense des cas de torture et d’autres mauvais traitements, particulièrement à la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), dans les commissariats et les gendarmeries ou lors de manifestations. Le 8 novembre 2018, le cybermilitant Soro Tangboho, alias Carton noir, a été arrêté de manière arbitraire dans la ville de Korhogo, dans le nord du pays. Il a subi des actes de torture et des mauvais traitements au motif qu’il a diffusé en direct sur Facebook une vidéo montrant des policiers qui, selon lui, étaient en train d’extorquer de l’argent à des motards. Il a été passé à tabac dans les locaux de la police, où il a passé deux nuits avant d’être transféré à la DST.

Autre cas présenté dans le rapport, celui du blogueur et journaliste Daouda Coulibaly, agressé par des policiers alors qu’il couvrait une manifestation de l’opposition à Abidjan, le 22 mars 2018. Il a été roué de coups de pied, frappé à coups de matraques sur les genoux et traîné sur le sol. À la connaissance d’Amnesty International, aucune poursuite judiciaire n’a été intentée contre les auteurs présumés d’actes de torture et d’autres mauvais traitements ni contre leurs supérieurs hiérarchiques.

Les investigations menées par Amnesty International révèlent que les conditions carcérales en Côte d’Ivoire sont inhumaines, donnant lieu à un grand nombre de décès. Au moins 152 personnes sont mortes en détention depuis août 2014. En juillet 2018, environ 16 000 personnes étaient détenues dans 34 prisons, d’une capacité totale de seulement 8 639 places. Parmi les détenus, environ 5 800 se trouvaient en détention provisoire. D’autres étaient retenus dans des centres de détention non officiels, y compris à la DST.

« Les autorités doivent mener sans délai une enquête indépendante, impartiale, efficace et transparente sur les allégations d’atteintes aux droits humains, identifier et traduire en justice les responsables présumés de ces violations, notamment de torture et de morts en détention », a déclaré François Patuel.

La Côte d’Ivoire est le premier État africain à avoir adopté une loi visant à protéger les défenseurs des droits humains en 2014, suivi de son décret d’application en 2017. Pourtant, les défenseurs des droits humains sont fréquemment menacés et leurs bureaux régulièrement cambriolés. Ces quatre dernières années, les bureaux de six des principales organisations de défense des droits humains ont été saccagés, certains à plusieurs reprises. Malgré les plaintes déposées auprès de la police, personne n’a été traduit en justice pour ces faits.

Alors que le président Alassane Ouattara s’est engagé à ce que justice soit rendue dans tous les cas de violations des droits humains, seuls les partisans présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo ont été jugés pour les graves violations commises pendant et après l’élection de 2010.

Les membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), fidèles au président Alassane Ouattara, qui étaient soupçonnés d’être les auteurs de graves violations des droits humains n’ont pas été traduits en justice. Ils seraient notamment responsables de la mort de plus de 800 personnes à Duékoué, dans l’ouest du pays, en avril 2011 et de 13 personnes dans le camp pour personnes déplacées à Nahibly, dans l’ouest du pays, en juillet 2012.

Plusieurs hauts responsables des FRCI accusés de crimes contre l’humanité conservent de hautes fonctions au sein des forces de sécurité et certains ont même été promus en janvier 2017.

Le 6 août 2018, le président Alassane Ouattara a adopté une ordonnance accordant l’amnistie à 800 personnes, dont Simone Gbagbo, accusées ou condamnées pour des crimes liés à la crise de 2010-2011 ou inculpées d’atteintes à la sûreté de l’État, privant ainsi les victimes du droit à la vérité et à la justice.

Afin de prévenir d’autres violences en marge de l’élection de 2020, les autorités doivent se montrer à la hauteur de leur engagement à traiter les violations des droits humains commises par le passé et notamment prendre des mesures immédiates afin de traduire en justice les responsables présumés dans le cadre de procès équitables
François Patuel