Londres et Bruxelles devraient écarter tout Brexit sans accord, qui se traduirait par au moins 5,7 milliards d'euros de droits de douane supplémentaires sur les importations de véhicules, a plaidé mercredi la fédération britannique des constructeurs automobiles. /Photo d'archives/REUTERS/Chris Helgren

Le marché des voitures d’occasion est plus que florissant sur le continent. Au grand dam des constructeurs occidentaux et japonais, dont les ventes s’y trouvent très nettement ralenties. Ils se sont regroupés pour faire pression sur les autorités locales et tenter d’inverser la tendance.

« Toute l’Afrique ou presque circule en voitures d’occasion, robustes et réparables », écrivait Le Monde en 2007. Depuis des décennies, le continent est l’un des plus gros consommateurs de ce type de véhicules : il en importerait chaque année en moyenne entre trois et quatre millions, rapporte l’agence Ecofin. Des véhicules venus d’Europe, du Moyen-Orient et du Japon.Ce phénomène constitue un obstacle majeur sur la route des constructeurs en quête d’un relais de croissance sur le continent. Résultat : BMW, Volkswagen (VW), Toyota, Nissan et autres se sont associés pour faire pression sur les pays africains afin de réduire les importations de véhicules. Elles ont créé l’Association of African Automotive Manufacturers (AAAM), dont l’action commence à porter ses fruits.

Thomas Schäfer, responsable des activités de Volkswagen en Afrique, évalue le marché potentiel des voitures neuves en Afrique subsaharienne entre trois et quatre millions d’unités, contre 420 000 vendues en 2017. Mais pour parvenir à cet objectif, il faudrait réduire la proportion des véhicules d’occasion. Ainsi que les prix des modèles neufs.

L’Afrique, « dernier bastion des moteurs thermiques »

Dans le même temps, la population et les revenus des ménages en Afrique augmentent rapidement, ce qui accroît leur capacité à acheter des voitures neuves. Aux dires d’un rapport de la Banque africaine de développement et de l’OCDE, cité par Ecofin, le continent compterait désormais 350 millions de personnes appartenant à la classe moyenne. Une donnée contestée par certains chercheurs. Mais pour l’instant, son milliard d’habitants (1,2 milliardselon les sources) ne génère que 1% des ventes mondiales de voitures neuves de tourisme (2%, selon Ecofin), l’Afrique du Sud se taillant la part du lion dans ce secteur.

Le Kenya, le Nigeria et le Ghana sont considérés par l’AAAM comme des pôles potentiels de production. Ces deux derniers pays sont prêts à proposer aux constructeurs automobiles des exonérations fiscales sur 10 ans et une absence de droits de douane sur les pièces et composants importés en échange d’un assemblage local des véhicules.

Le Nigeria envisage également de taxer à 70% les véhicules neufs entièrement produits ailleurs afin de stimuler la demande pour la production locale. Ce projet de loi n’a pas encore été approuvé. Au Kenya, les constructeurs seront exonérés de droit d’importation et bénéficieront d’un allégement fiscal de 50%.

VW (installé en Algérie) et Nissan disposent déjà d’usines ou se sont engagés à en ouvrir au Nigeria, au Kenya et au Ghana. Honda et PSA ont des sites d’assemblage au Nigeria. Le groupe français s’est également implanté au Kenya. Renault s’est installé en 2014 en Algérie. Pour Andrew Kirby, directeur général de Toyota en Afrique du Sud, la stratégie du constructeur japonais est de se « concentrer sur l’Afrique car le continent va connaître une importante croissance ».

Cette zone géographique pourrait permettre aussi aux constructeurs occidentaux et asiatiques de continuer à écouler leurs voitures à moteurs thermiques. En 2018, il s’est vendu seulement… 66 voitures électriques en Afrique du Sud, première économie du continent. « L’Afrique restera très probablement le dernier bastion des moteurs à combustion », prédit Craig Parker, directeur de la recherche pour l’Afrique au cabinet d’études Frost & Sullivan, un brin cynique. La pollution liée à l’automobile est déjà très présente dans de nombreux villes africaines.

Distorsion du marché ?

Certains responsables du secteur considèrent cependant que le principal obstacle au développement des voitures neuves en Afrique vient du Japon. En effet, en raison de contrôles stricts, les véhicules y sont mis au rebut après seulement quelques années de service. Ils estiment que cette politique entraîne une distorsion du marché en permettant aux concessionnaires d’acheter des véhicules au prix de la ferraille et de les exporter vers l’Afrique.

A les écouter, les importations bon marché en provenance du Japon ont détruit la production locale dans plusieurs pays d’Afrique. Notamment au Nigeria qui assemblait environ 150 000 véhicules par an jusque dans les années 1980. Pour VW, les gouvernements africains doivent intervenir, faute de quoi il sera vain de mettre en place une production locale. « Les marchés (…) ne fonctionnent littéralement pas en raison de l’importation de véhicules d’occasion », estime la firme allemande.

Le gouvernement kényan prévoit de réduire les importations de voitures de plus de trois ans d’ici 2021, à l’exception des modèles de tourisme équipés d’un moteur d’au moins 1,5 litre. Cette mesure pourrait entraîner un doublement du prix des modèles milieu de gamme importés, dénonce cependant la Kenya Auto Bazaar Association (KABA), un groupe de pression de 300 membres. « La classe moyenne ne pourra pas posséder un véhicule de son choix », déplore la KABA.

Une baisse des recettes fiscales tirées des véhicules d’occasion importés pourrait représenter aussi un problème pour certains pays africains en cas de durcissement des règles. Le marché souffre également des problèmes d’accès au financement et de la contrebande.

Autre problème, et non des moindres : le manque d’infrastructures routières. La situation est telle que « l’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où la densité routière a baissé au cours des deux dernières décennies »constatait la Banque mondiale en 2017. Pour autant, les pays du continent semblent en avoir pris conscience puisque ces équipements absorbent désormais « les deux tiers des investissements d’infrastructure consentis dans la région ».

By AGM News

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