Par TOURÉ VAKABA
Une note surprise signée du chef d’État-major général des armées, met fin à ses fonctions et exige de l’intérimaire, désigné dans la foulée, sa prise de fonction immédiate, le dimanche suivant. Sans commentaire !
Nous sommes donc lundi 02 janvier 2023 ! Le réseau téléphonique n’est pas parfait alors qu’il fait 10h à Abidjan et à Arrah (extrême-est ivoirien). Il souffle sur la capitale, un vent sec d’harmatan qui n’empêche pas la journée de s’installer progressivement. Pour avoir longuement insisté, je parviens à échanger avec le Contre-amiral qui y effectuait un séjour pour des besoins de familles. «Bonjour mon général», «bonjour Vakaba, ah si, ça tombe bien, viens mercredi au tribunal. Y aura la passation des charges » m’a-t-il dit, le sourire au fond.
«Bien noté mon général, j’y serai. Bon retour sur Abidjan» tel fut ma réponse !
Mercredi 04 janvier, il est 15h30, je suis au tribunal militaire, logé à Cocody Angré, mitoyen au 22 èm ardt. La passation est prévue pour 16h exactement (heure Militaire). J’y suis au même moment rejoint par Armand Behe Depeyla, un confrère avec lequel je partage plus de 30 ans d’exercice de la noble profession Journaliste. Nous nous connaissons bien et sommes tous les deux amis de longue date au soldat marin.
Le commissaire du gouvernement sortant, sapé dans un costume trois pièces bleu nu, est sur place dans ses bureaux qu’il s’apprête à quitter dans les heures.
Il n’y a plus même un seul imprimé posé sur les impressionnants meubles qui lui servaient de bureaux, et la blancheur des murs de la pièce s’est défaite de la totalité de ses parures.
On a l’impression d’être en un lieu qui n’a jamais été habité. Le silence est si pesant !
À l’intérieur de la mythique pièce, fermée à double tours, entretien en tête à tête avec le chef d’état major général des armées, le général de corps d’armée Doumbia Lacina, sous le contrôle du directeur de cabinet du ministre d’État, ministre de la défense, également présent.
Des soldats tirés à quatre épingles, casqués, bottés et solidement armés, surveillent en puissance et en volume les allées et venues qui foisonnent dans les escaliers menant tout droit au cabinet du Commissaire du gouvernement où se déroule l’entretien, en l’abri des regards.
À l’extérieur comme à l’intérieur du tribunal, une importante présence d’officiers supérieurs, d’officiers généraux et de soldats du rang, tous s’y sont transportés, en cette occasion, pour admirer et regretter à la fois le départ de celui qui aura contrôlé le parquet Militaire du pays durant 22 ans.
Le Contre-amiral était non seulement l’ami des journalistes, mais aussi idole ou référence pour de nombreux justiciables. Plus d’une vingtaine de professionnels des médias, chargés de trépieds, caméras, dictaphones et blocs-notes, présents à cet temple de Thémis, se sont vus purement et simplement refusés son accès alors qu’ils y avaient été conviés pour sa couverture.
La patronne du service presse et médias du tribunal, la ravissante capitaine Lézou, ne trouve pas non plus de mot pour justifier ce retournement de dernière minute décidé par la hiérarchie militaire.
Plus loin, une foule de curieux, médusés, certainement intimidés par le ballet interminable de grosses japonaises noires tout terrain, vitres teintées, et frappés d’étoiles argentées, se rangeant une à une sur le parking extérieur du tribunal, assurent quand à elles, le spectacle.
Les officiels se retirent !
À 17 h 10, l’ancien Caire du gouvernement reçoit ses anciens collaborateurs ( celles et ceux qui étaient du moins présents) pour leur adresser ses adieux. Une atmosphère de funérailles s’empare aussitôt des lieux, avec des visages absents et littéralement bombardés.
La Contre-amiral Ange Bernard Kessi Kouamé et sa garde rapprochée, s’emparent ensuite des marches qui les conduiront au rez-de-chaussée où l’attend son véhicule de commandement.
Direction, sa résidence sise à Cocody où parents, amis et proches, venus en grand nombre, attendent lui rendre un hommage digne d’un vrai soldat, un intellectuel, un véritable légiste du droit Militaire qui aura contribué à nettoyer profondément les rangs des armées.
Il a donné un sens et un contenu au Tribunal Militaire qui était vraisemblablement une coquille vide. Sa rigueur et son obsession à l’application de la discipline et à sa stricte surveillance faisait de lui, une personnalité Militaire qui faisait assurément trembler les fesses dans les casernements militaires.
Bye bye mon général et bonne chance pour d’autres chalenges !
VIVE LA CĂ”TE D’IVOIRE ????????